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à des gibets dressés les uns à la suite des autres, produisent dans ce clair-obscur un effet singulier en harmonie avec le caractère dramatique des lieux. À peine avez-vous pénétré dans le vestibule, que le plafond s’abaisse et qu’une descente vous conduit à l’entrée de la galerie intérieure, qui est fermée par une porte. Ici la lumière du jour, qui s’est affaiblie graduellement jusqu’à la nuance du crépuscule, disparaît, et les torches s’allument pour éclairer votre marche dans l’obscurité de l’antre. Vous arrivez à dos voûté, par des passages bas et étroits, jusqu’à un lac nommé First Water. Un petit bateau jonché de paille, sur laquelle s’étend le voyageur, le conduit alors, sous une arche massive de roches, jusqu’à une vaste cavité qui a la forme d’une cloche, et qui, illuminée aux flambeaux, produit un effet merveilleux. La voûte descend toujours, le passage se rétrécit, et finit par se fermer, laissant seulement assez d’ouverture à un filet d’eau qui paraît être en communication avec les mines très éloignées de Peak-Forest. Cette caverne pousse encore d’autres rameaux souterrains dans plusieurs directions, et au sein de ces hypogées naturels dorment les innombrables dépouilles des êtres qui ont vécu.

Les montagnes de calcaire, base du système houiller, atteignent dans la Grande-Bretagne l’épaisseur considérable de 800 mètres ; elles sont d’origine exclusivement marine. Cette origine est signée par la multitude de fossiles qui s’y rencontrent : zoophytes[1], radiaires, céphalopodes, poissons. Tout annonce que la vie fourmillait dans ces eaux. L’âge carbonifère vit naître des espèces nouvelles ; il vit aussi disparaître d’anciennes familles : les trilobites y disparaissent pour ne plus se montrer. C’est la marche invariable de la nature ; après avoir contenu quelque temps le mystère de la vie, les formes organisées s’usent, meurent, et à la place de ces vases brisés, dont nous retrouvons de terrain en terrain les débris épars, d’autres moules se reconstruisent pour recevoir le dépôt sacré. Aux espèces anciennes qui ont fait leur temps succèdent alors des espèces nouvelles qui vieilliront et s’éteindront à leur tour. Le principal caractère de la formation carbonifère est de contenir en abondance les premières traces, ou peu s’en faut, de la flore terrestre. Ces dépouilles végétales deviennent bientôt aussi communes qu’elles étaient rares dans les âges précédens, et annoncent un accroissement de terres. Il fut un temps, nous l’avons vu, où la Grande-Bretagne était une mer, et une mer illimitée ; il fut un autre temps où c’était une forêt ou plutôt un groupe de forêts qui croissaient à la surface

  1. Le ciseau des artistes taille aujourd’hui des vases, des colonnes et d’autres ornemens d’architecture dans des anciens bancs de coraux connus sous le nom de Devonshire marbles.