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roches carbonifères se développent avec hardiesse dans les vastes bassins de Glamorgan, de Caermarthen et de Montmouth. Cette formation a encore un grand caractère : sur quelques côtes, elle soulève des récifs d’un aspect cyclopéen, qui présentent une barrière sauvage et pittoresque à la mer ; mais c’est surtout en Irlande et dans le Derbyshire que le paysage est frappé à grands traits par cet autre ordre de ruines. Il n’y a peut-être point de contrée au monde dans laquelle le système carbonifère se montre si riche en roches et si pauvre en houille que l’Irlande. Les grands champs de matière combustible qui reposent sur le calcaire carbonifère (carboniferous limestone) comme sur une base, et qui sont si productifs en Angleterre et en Écosse, n’ont jamais existé en Irlande, ou bien ils ont été enlevés, balayés par des agens destructeurs. Ce qui manque en richesse minérale à la verte Erin se trouve compensé par les merveilleuses beautés du paysage. Dans le Derbyshire, les roches carbonifères s’élèvent aussi en montagnes rugueuses, hautaines et fantastiques ; leurs sommets se mêlent aux légers nuages blancs qui s’accrochent et se déchirent sur la pointe des pics. Le caractère pittoresque de cette formation apparaît surtout dans les dales ou vallées. Là, les champs de bruyères, souvent même les plus riches prairies, se trouvent brusquement bornés par un amas de rochers qui ressemblent de loin à de vieilles tours en ruine, et qui, la base percée par des cavernes, les flancs recouverts de mousses et de broussailles, les plateaux bordés de précipices qui ondoient les uns sur les autres comme les flots d’une mer abaissée, la tête couverte de cendre, regardent tomber et rouler leurs débris, de siècle en siècle, dans les profondeurs des cours d’eau. La célèbre caverne du Derbyshire, connue sous le nom de Peak-Cavern ou Devil’s-Cave (la cave du diable), est un des ouvrages les plus extraordinaires et les plus magnifiques de la nature[1]. L’entrée présente un spectacle auguste : de chaque côté, d’énormes roches grisâtres se dressent perpendiculairement, tandis qu’à votre gauche un ruisseau qui prend sa source dans la caverne écume en roulant parmi des quartiers et des fragmens de roches brisées. La bouche de la caverne s’ouvre, formée par une voûte de calcaire qui s’arrondit en plein-cintre surbaissé. Cette sinistre retraite est habitée par de pauvres gens, dont l’industrie consiste à faire des ficelles, à vendre des chandelles au voyageur et à lui servir de guides dans ces profondeurs ténébreuses. Leurs huttes grossières et leurs machines à tisser la corde, qui ressemblent

  1. Près de là s’exploite une fameuse mine de plomb connue sous le nom de la mine d’Odin. Le groupe de terrains qui se rattachent à la formation primaire se distinguent en Angleterre et en Écosse par la richesse métallique. C’est, à ce point de vue du moins, l’âge d’or de la nature.