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des scies, tout dans ces lieux donne une grande idée de la puissance de l’homme, qui a su ouvrir au flanc des montagnes arides une source de travail et de prospérité.

Les montagnes de l’immense chaîne qui traverse le nord du pays de Galles s’avancent vers le sud de cette province et vers le Devonshire en s’abaissant. Nous entrons dans un autre âge de la nature, l’ère dévonienne. Ici le théâtre des faits va changer avec la nature du paysage et avec la couleur des roches. On peut suivre à l’œil nu dans le sud du pays de Galles le passage entre les roches siluriennes, d’un aspect grisâtre, et les dépôts de vieux grès rouge. D’abord la limite est difficile à fixer entre ces deux formations, car les couches passent d’une époque à l’autre par des nuances graduées ; mais bientôt le changement se prononce, et rien ne forme un contraste plus tranché que les masses jaunes et rougeâtres superposées à la base sombre des masses siluriennes. Quiconque est curieux de jouir de ce contraste, quiconque aime la poésie des ruines, doit suivre entre Ludlow et les Clee-Hills une succession de faits qui donne encore au paysage un attrait nouveau. Cette différence dans la couleur des roches est la conséquence d’un changement survenu dans le lit des anciennes mers. Durant l’époque qui vient de s’écouler, le fond de l’océan silurien était occupé par des dépôts d’une boue noirâtre auxquels succédèrent, vers la fin de la période et surtout dans l’âge suivant, des dépôts sablonneux, le plus souvent colorés en rouge par une infusion d’oxyde de fer. Ces changemens furent accompagnés par la disparition graduelle des anciens habitans et par l’apparition d’autres animaux mieux assortis aux conditions nouvelles des mers.

Quoique moins abrupte que la précédente, la formation dévonienne se distingue encore par des traits imposans et hardis. Les faces grandioses du système apparaissent en Angleterre dans les escarpemens des plus hautes montagnes, situées au sud du pays de Galles, les Brecon-Beacons, dont la double tête se cache dans les nuages, et le Grongar-Hill, près de Caermarthen, d’où l’œil découvre un ensemble admirable d’eaux, de bois, de rochers et de ruines. Le groupe énorme des roches dévoniennes, qui semblent porter sur leur front la rouille des siècles, se développe ensuite dans le Devonshire (d’où le nom), dans la Cornouaille et dans le Herefordshire ; mais c’est surtout en Écosse que ces entassemens de vieux grès rouge revêtent un caractère religieusement beau. À l’est des côtes des highlands s’élèvent au milieu de la mer trois rochers isolés. Surmontées d’un cône plus ou moins tronqué, battues par les convulsions de la sombre vague, debout sur l’abîme, ces trois masses ossianiques ressemblent aux fantômes des âges. Au