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des départemens, à la mort de Méhémet-Ali, s’élevait à un chiffre énorme.

On sait que le règne d’Abbas-Pacha ne modifia point cette situation ; mais le premier soin de Mohammed-Saïd à son avènement a été d’apporter à ce mal extrême un remède radical. Il fit d’abord table rase de tout le passé. Il accorda remise entière aux villages de tout l’arriéré des contributions, et il ne s’en tint pas là. Son but était de rendre plus prospère la condition du peuple, de régulariser la perception des impôts et d’encourager l’agriculture. Il renonça au monopole, et par conséquent aux contributions en nature. Chacun devant avoir désormais la faculté de vendre ses produits à son gré, c’est-à-dire de les échanger contre de l’argent, Mohammed-Saïd décréta le paiement des impôts en numéraire. C’était une révolution économique qui entraînait avec elle une véritable révolution sociale. La possession de l’argent est un commencement d’émancipation. Quand cesse chez un peuple en servage le mode barbare des échanges en nature, on peut dire que ce peuple a fait un grand pas dans la voie de la civilisation. Quand il s’y joint le droit de propriété, la faculté d’acheter et de vendre librement, la possibilité de s’enrichir, on peut dire que ce même peuple est mis hors de page. Il dépend de lui de prendre parmi les nations civilisées le rang qui convient à son caractère et à ses aptitudes.

Toutefois il y avait à ménager une transition. Ce n’était pas après de longues années d’un régime tout différent que les cultivateurs égyptiens pouvaient se trouver immédiatement en mesure de profiter du bienfait qui leur était accordé. La plupart, même parmi ceux qui jouissaient d’une aisance comparative, n’avaient pas d’argent. Avant qu’ils se fussent procuré du numéraire pour acquitter l’impôt, il fallait qu’un intervalle de temps se fût écoulé pendant lequel ils eussent produit une récolte, qu’ils l’eussent vendue, et qu’ils en eussent obtenu le paiement. Mohammed-Saïd avait prévu la difficulté, et il y avait d’avance porté remède avec une honorable sollicitude. D’après ses ordres, des délais ou même des remises d’impôt pendant une année ont été accordés aux villages qui n’étaient pas en état de se mettre immédiatement au niveau du régime nouvellement inauguré. Depuis lors, la contribution rentre régulièrement et sans peine dans les caisses publiques. La population régnicole est généralement industrieuse et économe. Elle a bien vite compris les avantages que le vice-roi lui faisait ; elle s’est mise sur-le-champ en mesure d’en profiter. Le prince s’est montré d’ailleurs administrateur plein de prévoyance. Abandon d’arriéré, remises d’impôts, dégrèvemens de toute sorte seront bien vite compensés et au-delà par le développement des cultures. La régularité des recettes donne déjà