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de revenu. Tout calcul fait, c’est le cinquième ou le quart au plus de la population qui est appelée à participer au bénéfice de l’institution. Il existe dès lors en France 27,000 communes où la charité privée suffit à tout, et qui se passent de bureaux de bienfaisance, peut-être aussi de dépôts de mendicité. En sont-elles plus malheureuses, plus dénuées pour cela ? recèlent-elles plus de misères ? C’est une étude qui n’a jamais été faite autrement que par approximation ; mais on peut affirmer hardiment que si les souffrances y étaient plus vives qu’ailleurs, ces communes se seraient procuré le soulagement qui résulte d’un bureau de bienfaisance légalement reconnu. L’autorisation n’est pas à un bien haut prix ; on a vu que le bureau de Saint-Ythaire s’est constitué avec une recette de 51 centimes. Si un pareil nombre de localités est demeuré dépourvu, c’est volontairement, il faut le croire, et par suite de bonnes et fortes habitudes d’assistance mutuelle.

Ajoutons que, jugée d’après le rapport déjà cité, l’assistance légale donnerait lieu à plus d’une observation. Ainsi l’auteur lui-même adresse plusieurs reproches aux bureaux de bienfaisance, et énumère des griefs au sujet desquels le contrôle administratif demeure impuissant. Telles sont les distributions en argent, qui absorbent la plus grande part du fonds charitable (2,344,330 fr. 80 cent.). Non-seulement il se glisse beaucoup d’arbitraire dans ces distributions, mais il est avéré que le cabaret en profite beaucoup plus que le ménage. En outre les secours en nature ne sont pas assez variés ; ils devraient comprendre plus d’objets et défrayer plus de besoins ; une fâcheuse routine règne à cet égard. Lorsqu’on a donné, avec une désespérante uniformité, un peu de pain, un peu de viande, du bois, du linge, quelques médicamens, on croit avoir tout fait. Ne pourrait-on pas adapter plus judicieusement les dons à la situation des personnes, dans certains cas fournir des outils, des matières premières, en un mot des alimens à un travail fructueux ?

Ces inconvéniens ne sont rien cependant auprès du plus grave, de celui qui choque le plus, l’exagération des dépenses de gestion et d’administration. Prélever une part sur le pain des pauvres, c’est malheureusement une nécessité : on n’a, sans argent, ni commis, ni bureaux ; c’est l’accessoire obligé de toute conception administrative. Seulement ici le sujet commande une discrétion plus grande ; il faut se montrer avare du bien de ceux qui sont dénués de tout. Cette pensée ne domine pas dans tous les bureaux de bienfaisance. Sur les 17 millions de recettes dont ils disposent, 3 millions sont employés à couvrir leurs frais, c’est le cinquième environ, et il est huit départemens où cette proportion va jusqu’au tiers : l’Ardèche, l’Ariège, l’Aude, les Bouches-du-Rhône, la Côte-d’Or, le Gers, la Manche, les Vosges. D’autres y mettent plus de vigilance ou plus de