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les entreprises agricoles par actions, les petites locations annuelles et semi-annuelles, et il donne les règles applicables dans les divers cas ; puis il se met en face du domaine, il décrit les différentes natures de sols, il examine successivement, les différentes situations climatériques et économiques, et conclut par un mode d’estimation ; des domaines ruraux. L’idée-mère qui domine son travail, c’est qu’il ne faut pas, en grande culture ; adopter les demi-moyens. Ou l’entrepreneur de culture possède un capital considérable relativement à l’étendue de terre qu’il exploite, ou il n’a qu’un capital restreint ; dans le premier cas ; il doit adopter le principe des fortes fumures, des abours profonds ; des travaux énergiques ; en un mot tendre par toutes les voies au maximum de production ; dans le second, il doit marcher surtout par le temps, profiter le plus possible des forces naturelles, épargner la main-d’œuvre, et laisser plutôt une partie de la terre en friche qu’éparpiller ses engrais et ses labours sur une trop grande surface. Il en est à ses yeux de la culture comme de la stratégie ; avant tout, il faut être fort sur le point qu’on attaque, et si l’on ne peut pas être fort partout ; il vaut mieux se concentrer sur un point en négligeant le reste. Tel était en effet le principe de Napoléon, et à la guerre au moins, l’expérience en a montré la valeur. Pour faire bien comprendre ses idées, M. Lecouteux présente le tableau suivant des résultats de deux systèmes de culture, l’un qui n’emploie que 12,000 kil. de fumier par hectare, l’autre qui en emploie 20,000.


A 12,000 kilos A 20,000 kilos
Fumier (à 8 fr. les 1,000 kilos) 96 fr. 160 fr.
Semence (210 litres) 42 42
Loyers, impôts, frais généraux 90 140
Labours, récolte, battage. 85 128
Total des frais par hectare 313 470
Récolte par hectare 15 hectolitres de blé 30 idem

Dans le premier cas, l’hectolitre de blé revient à 17 fr., déduction faite de la valeur de la paille ; dans le second, il revient à 12. En estimant le prix de vente à 20 fr. l’hectolitre de blé et 20 fr. les 1,000 kilogrammes de paille, il a fallu dans le premier cas 313 fr. pour en produire 354, et dans le second 470 fr. pour en produire 700 ; bénéfice dans le premier cas, 41 fr., et dans le second, 230. Ainsi, quand on ne peut disposer que de 60,000 kilos de fumier par exemple, au lieu de s’en servir pour fumer cinq hectares à raison de 12,000 kilos chacun, il vaut mieux n’en fumer que trois à raison de 20,000 kilos, car les cinq hectares ne produiraient en tout que 75 hectolitres de blé, réduits à 65 par la déduction des semences, tandis que les trois, largement fumés, produiraient 90 hectolitres, réduits à 84 par la déduction des semences ; 84 hectolitres de blé au lieu de 65, c’est une différence de près de 50 pour 100.

Ces chiffres ne sont pas et ne peuvent pas être d’une exactitude mathématique, mais ils donnent une idée claire des faits généraux. Que la différence ne soit pas précisément, dans tous les cas, de 50 pour 100, c’est possible ; mais il n’est pas douteux que les fortes fumures ne produisent beaucoup plus proportionnellement que les petites. Cela suffit pour que la thèse de M. Lecoûteux