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plus sûre d’arriver à sa maturité. Par cela même qu’on ne veut plus qu’il y ait une race de vainqueurs et une race de vaincus, il n’y a plus de principe de gouvernement, car le principe était la force et la conquête ; en le supprimant, quel principe de droit a-t-on mis à la place ? Les trois quarts de la population repousseront toujours la minorité barbare qui continue à peser sur leurs têtes sans qu’on puisse désormais dire pourquoi. Les actes du gouvernement ne peuvent plus être qu’une série de transactions imposées par l’étranger aux deux races, et toujours à la veille de se rompre. Qu’on ne l’oublie pas cependant, la catastrophe de 1772 peut encore se renouveler : la Russie ne cessera jamais de pousser à la frontière de Byzance. C’est sans doute encore la guerre que porte en son sein le mouvement industriel auquel elle se livre maintenant, et si les révolutions intérieures ne font pas dans l’empire ottoman ce que les puissances auraient pu y faire ou y laisser faire, si en outre quelque jour l’Europe, trop occupée ailleurs, est forcée de s’en détourner, personne ne pourra reprocher aux hommes d’alors de ne savoir point empêcher, au dernier moment, ce que nous aurions dû nous-mêmes prévenir quand nous en avions le temps, l’occasion, la force et le droit.



De l’Administration en France sous le ministère du cardinal de Richelieu, par J. CAILLET.[1]

Si quelque chose peut fortifier les espérances chancelantes et contrebalancer les dangers de cet emportement excessif vers les intérêts matériels dont on parle tant aujourd’hui, ce sont les études sérieuses qui se font et se publient depuis quelques années sur notre histoire. Il y a dans ce mouvement une signification qui le dépasse lui-même de beaucoup. C’est la pensée française qui se recueille, qui rentre en elle-même, qui s’analyse dans son passé, et tout cela très certainement en vue de l’avenir. Quelque différentes que puissent être les intentions des écrivains, rien ne peut empêcher que la pensée publique ne se renouvelle et ne se féconde par eux, indépendamment d’eux-mêmes. Il est donc bien d’encourager ceux qui remplissent par leurs travaux cet intervalle que la Providence semble avoir ménagé, pour quelque grand dessein, au recueillement studieux et à l’examen de la conscience nationale.

Sans trop y réfléchir, et par une espèce d’instinct des difficultés présentes, les recherches se sont portées avec une sorte de prédilection sur l’histoire de l’administration dans la monarchie, sujet obscur, difficile à traiter, surtout à rendre accessible, et à peine entamé par les historiens, mais qui a une grande importance actuelle, car la grande difficulté de nos jours, c’est qu’en France l’administration, chose admirable et nécessaire, mais étroite et raide, et la liberté politique, chose non moins indispensable, mais plus large et plus mobile, demandent à se concilier. Jusqu’à présent, elles se sont toujours, à la moindre crise, dévorées l’une l’autre. Le problème est donc de les justifier l’une devant l’autre et de trouver les points par lesquels elles se joignent légitimement et utilement. Pour cela, il faut expliquer

  1. 1 vol., Paris, Firmin Didot.