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provisoirement et comme président substitué à la place du général Alvarez, M. Comonfort parait réunir toutes les chances. Les résultats connus lui assurent la présidence définitive. Par malheur, cette apparence de vote populaire ne lui donnera ni la supériorité qui lui manque, ni le pouvoir réel, qui est nul au milieu de l’anarchie universelle, ni même la possibilité de se reconnaître dans toute cette confusion. M. Comonfort est placé dans une telle situation, qu’il est un peu suspect à tous les partis, et qu’il ne peut s’appuyer sur aucun d’eux. S’il se tourne vers les conservateurs, comme il y serait secrètement porté peut-être, il se trouve en face d’un mouvement de réaction qui se dessine de jour en jour, qui se manifeste par des insurrections périodiques dirigées contre lui aussi bien que contre la révolution même à laquelle il doit le pouvoir. Depuis un an, les soulèvemens se sont succédé à Puebla, à San-Luis-de-Potosi, à Tampico. L’église, dont l’influence est immense sur ces populations, est profondément hostile depuis que des lois, faites par le dernier congrès avec plus d’irréflexion que de sens politique, sont venues la frapper dans son pouvoir, dans ses intérêts, en décrétant la sécularisation et la vente des biens du clergé. La lutte est incessante entre l’église et le pouvoir civil, et elle se traduit parfois en scènes étranges qui ne font qu’ajouter au désordre des esprits. Si M. Comonfort se tourne vers les radicaux qui occupaient le dernier congrès, et qui lui ont créé plus d’un embarras, se trouve un parti qui transporte au Mexique toutes les folies révolutionnaires, et dont le chef-d’œuvre est une constitution empreinte de l’esprit démocratique le plus extrême. Que deviendra cette constitution ? Dès les premiers momens de la promulgation, l’église a refusé d’ordonner les cérémonies religieuses usitées en pareil cas ; un grand nombre d’employés et même de généraux ont refusé le serment qui leur était demandé. M. Comonfort lui-même, en prêtant son serment, n’a pas laissé de faire quelques restrictions ; il a réservé la sanction du peuple pour cette constitution si étrangement accueillie dès sa naissance. Nommé président aujourd’hui, il se trouve dans la même situation : s’il maintient la constitution, il aura plus que jamais contre lui les conservateurs, et s’il la supprime, il verra les radicaux se soulever contre son gouvernement. C’est dans ces conditions que s’agite le conflit avec l’Espagne. M. Comonfort avait envoyé un plénipotentiaire, M. Lafragua, en Europe, pour rouvrir les négociations. M. Lafragua d’est rendu à Madrid, où il est resté quelque temps ; mais la négociation est restée infructueuse malgré les efforts de l’Angleterre et de la France, de sorte que la question reprend aujourd’hui toute sa gravité. Le seul moyen de mettre un terme à ce conflit, c’est désormais une médiation des deux gouvernemens qui ont déjà employé inutilement leurs efforts à Madrid. Il faut bien le dire, dans toute cette affaire, M. Comonfort s’obstine et résiste parce qu’il croit pouvoir compter sur les secours des États-Unis en cas de guerre avec l’Espagne. C’est là le dernier mot, et ce secours que les États-Unis ne refuseraient pas en effet serait l’anéantissement définitif de l’indépendance du Mexique. ch. de mazade.