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était déjà aux prises avec le mal qui devait l’emporter. Burnet venait justement de publier son Histoire de la Réforme, et ce livre, qui fixa sur lui l’attention publique, avait été lu et goûté par Rochester. Il voulut voir l’éminent ecclésiastique, devenu l’écrivain à la mode. Les visites de celui-ci se multiplièrent bientôt, d’autant plus fréquentes que, dès leurs premières entrevues, le noble malade lui avait manifesté très sérieusement le désir de lui soumettre toutes ses opinions, tous ses doutes, et de débattre avec lui, sans aucune arriére-pensée railleuse, les convictions dans lesquelles il s’était peu à peu affermi. Ces conférences durèrent depuis le mois d’octobre 1679 jusqu’au mois d’avril de l’année suivante. À cette date Rochester se fit transporter dans la high-loge de Woodstock-Park, sa résidence d’été, bien connue de quiconque a visité Blenheim.

L’analyse complète de cette curieuse polémique existe dans les ouvrages déjà cités. Nous doutons cependant qu’on y découvre aucune base de foi qui ne soit aussi solidement et aussi éloquemment établie dans une multitude d’autres écrits ayant également pour but de combattre les idées anti-religieuses. Nous ne devons donc pas nous y arrêter longtemps. Néanmoins le raisonnement de Burnet, sur un point particulièrement délicat à traiter avec Rochester, nous paraît mériter une mention rapide. Son catéchumène lui ayant déclaré que « le code évangélique, en ce qui touche les rapports des deux sexes, lui semblait en opposition directe avec la nature, et tout à fait inconciliable avec les imprescriptibles lois de notre humanité, contraire aux suggestions de la raison, et, à tout prendre, indigne de la sagesse d’un législateur-dieu, » Burnet ne trouva pour lui répondre qu’une assimilation, selon nous passablement incongrue, entre les procédés du gouvernement humain et ceux du gouvernement céleste. « Il serait vraiment étrange de refuser au législateur suprême le privilège que nous voyons exercer chaque jour par les rois de la terre et les délégués de leur puissance, lesquels, lorsqu’ils s’aperçoivent que leurs peuples abusent de telle ou telle liberté, y mettent toutes les entraves, toutes les restrictions qu’ils jugent utiles et convenables… On ne conteste pas qu’on puisse, au moyen des lois, protéger la vie et les biens d’un membre de la communauté contre les agressions d’une violence illégitime… Si donc on reconnaît que chaque homme a la propriété de sa femme et de sa fille, on a le droit de réprouver et de punir quiconque séduit l’une ou corrompt l’autre… » Nous espérons bien, pour l’honneur