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son aplomb que rien ne déconcertait, ont fourni aux tories un inépuisable sujet de raillerie. Et ils n’ont pas omis de le complimenter ironiquement, — avec plus de gaieté que de délicatesse, — sur ses larges épaules, ses mollets bien fournis, le succès de ses tentatives matrimoniales auprès de veuves unissante une riche dot un riche tempérament. Burnet cependant, bien qu’il ait souvent prêté au ridicule, voire à des reproches sérieux, n’était pas, à tout prendre, un homme qu’il faille tenir en mépris… »


Nous sommes ici de l’avis de Macaulay. Nous reconnaissons volontiers avec lui que Burnet ne se montra « ni cupide, ni poltron, » et qu’une vanité irréfléchie, lorsque par hasard elle est jointe à des talens réels, ne suffit pas pour dégrader un caractère. Toutefois, on en conviendra, la figure qui vient de passer sous nos yeux, ainsi traitée par un indulgent burin, n’est pas celle de l’homme qu’on voudrait voir au chevet d’un grand pécheur repentant. Et si après la mort de ce pécheur le prêtre qui vient de l’assister se hâte de mettre sous presse, de livrer au public le récit de la conversion obtenue, — récit rendu plus piquant par la biographie très complète de la brebis qu’il a ramenée au bercail, — ne trouvera-t-il pas bien des gens peu empressés à reconnaître qu’il avait qualité pour accomplir le miracle dont il se targue si haut ? Nous laissons à chacun de nos lecteurs le soin de répondre.

Quoi qu’il en soit, nous possédons, grâce à Burnet, une Vie et Mort de Wilmot, qui, dans les bonnes bibliothèques, prend place à côté de l’Histoire de mon Temps, l’écrit le plus important de l’érudit prédicateur[1]. Dans cet ouvrage curieux, Gilbert Burnet admet lui-même que les inquiétudes premières de Rochester ne furent ni profondes, ni durables ; elles allaient et venaient comme les accès de souffrance physique dont les habitudes intempérantes du jeune athée provoquaient à chaque instant le retour, et dont triomphait bientôt sa constitution naturellement vigoureuse. « Il était contrit d’avoir dégradé son caractère, endommagé sa santé, » dit avec une candeur parfaite le promoteur de cette conversion remarquable ; « mais il ne ressentait encore ni aucune conviction sincère d’avoir péché contre Dieu, ni regret aucun d’avoir violé les lois divines ou offensé la majesté suprême. S’il admettait volontiers près de lui, à la requête de ses amis, quelques ecclésiastiques envoyés par eux, ce n’était ni qu’il espérât d’eux aucune consolation, ni qu’il voulût tirer parti de leurs enseignemens. Quand il sollicitait leurs prières,

  1. Ceux de nos lecteurs que, la longueur pédante du premier de ces ouvrages pourrait d’avance effrayer nous sauront sans doute gré de les avertir qu’il en existe un résumé très complet dans un ouvrage intitulé les Infidèles convertis (the Converts of Infidelity), par Andrew Crichton, lequel fait partie de la collection publiée à Edimbourg, de 1825 à 1830, par le libraire Constable.