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maintenant aux derniers jours de cette existence agitée, aventureuse, pleine de bruit et d’éclat, splendide, dévorante, dévorée.


VII

Rochester avait donné pleine carrière à sa jeunesse. Elle l’avait entraîné, au-delà des vulgaires débordemens, à des audaces de tout genre. Apôtre éloquent et actif, il avait fait des conversions à l’immoralité : ses débauches, qu’il érigeait en système, — non sans rire lui-même de ses étranges maximes, — comptaient un certain nombre de prosélytes. Il avait parfois prêché l’athéisme avec un succès dont il s’étonnait, dont on nous dit qu’il s’effrayait presque. Quoi qu’il en soit de ces remords non suivis d’effet, il est avéré que plus tard, lorsque des excès de tout genre l’eurent conduit au seuil du tombeau, il eut des retours de conscience plus sérieux ; ceux-ci trouvèrent accès dans une imagination plus ardente que réglée, dans une raison dont, à aucune époque, il ne nous paraît avoir su maîtriser les tendances très contradictoires. L’église alors put annoncer, triomphante, que tous les sarcasmes dont il l’avait poursuivie, les négations bruyantes qu’il avait opposées à ses dogmes, les démentis pratiques qu’il leur avait donnés par son intrépide sensualisme, érigé en système philosophique, aboutissaient en définitive au repentir le plus humble, le plus sincère. Aussi n’y manqua-t-elle point.

L’instrument choisi par la Providence pour cette métamorphose inattendue était un homme bien éloigné de réaliser à nos yeux l’idéal d’un apôtre. Il a laissé son nom à l’histoire, et ce nom est mêlé à une foule d’intrigues secrètes, de trames obscures ; on le lit au bas de nombreux pamphlets politiques ; il a retenti dans maints débats parlementaires, et, dans aucune de ces circonstances, il n’apparaît, — tant s’en faut, — avec une religieuse auréole. Pour expliquer, pour justifier au besoin les restrictions que nous apportons aux éloges dont nous aimerions à déclarer digne un des hommes qui contribuèrent le plus efficacement à la grande révolution libérale de 1688, nous allons recourir au portrait le plus flatté que nous ayons rencontré de ce prêtre remuant. Ce portrait est de main de maître. Voici ce que Macaulay dit en propres termes de l’évêque Gilbert Burnet, son compatriote[1] :

« Seul, parmi les Écossais dont l’Angleterre a fait la fortune politique, il avait ce caractère que les satiristes, les romanciers, les écrivains dramatiques s’accordent à donner aux aventuriers d’origine irlandaise. Sa pétulance, sa vanité fanfaronne, son étourderie, son indiscrétion provoquante,

  1. The History of England, from the accession of James II, chap. VII, pag. 333, éd. Galignani.