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JOHN WILMOT
COMTE DE ROCHESTER

II.
LA POESIE ANGLAISE SOUS CHARLES II.



V

Spencer et Shakspeare sont déjà des anciens. Milton n’est plus. Dryden règne, quand Rochester paraît. Entre Milton et Dryden, presque rien qui puisse compter. Suckling, Waller, Denham, simples polisseurs du vers anglais, l’émondent, le rendent un peu plus harmonieux, un peu plus élégant ; mais ils l’atténuent et l’affadissent. À côté d’eux, des renommées pour jamais éteintes : qui connaît Sprat ? qui connaît Cleveland[1] ? Tous ces noms pâlissent graduellement devant celui de Dryden, d’abord imitateur de William Davenant et de Waller, mais dont la muse, nourrie de plus fortes études, et guidée par un sentiment plus net, mieux défini, des beautés vraiment classiques, des beautés éternelles, frappait les esprits

  1. Ce Cleveland était un chansonnier royaliste, une espèce de Béranger militaire. Après le triomphe des républicains, il fut arrêté, porteur de chansons et d’épigrammes qu’il distribuait avec une activité très hostile. Conduit devant un des généraux de Cromwell, il s’apprêtait à soutenir, avec la fermeté, la dignité convenables, l’épreuve décisive à laquelle il se croyait réservé ; mais quand son redoutable juge eut feuilleté les documens accusateurs : « Est-ce là, s’écria-t-il, tout ce qu’on produit contre ce pauvre diable ?… Laissez-le donc vendre en paix ses ballades !… » Cleveland, outré de tant de mépris, en mourut, assure-t-on, de désespoir.