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UN
ROMAN PICARESQUE
EN ANGLETERRE

The Romany Rye, by George Borrow, 2 vol. in-8o ; London, Murray 1857.



Dans un livre destiné à prouver que l’Amérique entrait dans sa phase ascendante, tandis que la Grande-Bretagne entrait dans sa phase décroissante, Emerson prétendait récemment que depuis quelques années l’Angleterre ne nous intéresse plus autant qu’autrefois. Il y a du vrai dans cette remarque ; mais que le célèbre Américain nous pardonne, son observation s’adresse aussi bien aux États-Unis qu’à l’Angleterre. Oui, l’Angleterre semble un peu baisser ; le talent littéraire n’y est plus aussi abondant qu’autrefois ; les livres remarquables y deviennent rares, et les excentriques eux-mêmes commencent à manquer dans cette île fameuse par son originalité. Hélas ! les meilleures terres s’épuisent ; l’inculte Sicile n’était-elle pas autrefois nommée le grenier des Romains ? Ce n’est pas d’ailleurs l’Angleterre seule qui devient moins intéressante. Tous les peuples commencent à mériter un peu le même reproche ; la curiosité naturelle et légitime qu’ils ont les uns des autres s’émousse et s’éteint faute d’aliment pour s’entretenir et se satisfaire. Quels sujets propres à piquer la curiosité que le dernier roman-feuilleton français, ou le dernier traité de science économique écrit par quelque Espagnol bien intentionné, porteur d’un beau nom ronflant et romanesque, et qui se fatigue à mâcher de coriaces doctrines anglaises ou