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leur existence, ressemblent à d’autres parvenus à leur état définitif. Un animal quelconque peut être ainsi regardé comme le représentant, à l’état permanent, d’un autre animal observé pendant l’une des phases transitoires de la vie embryonique. Les insectes, par exemple, offrent, sous forme de larve, tous les caractères des vers, et l’on est en droit de considérer ceux-ci comme des insectes arrêtés dans leur développement. Les singuliers animaux qu’on nomme méduses parce que leurs bras entrelacés rappellent la chevelure de la Méduse antique, avant d’errer librement dans les mers, demeurent, au début de leur existence, fixés aux rameaux d’une sorte d’arbuste vivant analogue au corail. Les animaux qui appartiennent à la classe des coraux peuvent donc être regardés comme des méduses immobilisées dans leur forme première.

Les transformations qui signalent aujourd’hui la vie des individus sont exactement analogues, — comme le célèbre Léopold de Buch le faisait déjà remarquer avec étonnement, à propos de certains fossiles dont il publia la monographie, — aux transformations que subissent ces familles pendant la longue série des ères géologiques. Après avoir été conduit à prendre pour mesure du progrès organique qui s’est opéré pendant ces périodes successives le passage graduel des formes les plus humbles, les plus embryoniques, aux formes actuelles, M. Agassiz devait se trouver naturellement disposé à régler, d’après la même mesure, la hiérarchie des êtres actuels : il devait être conduit à les classer d’après le nombre et l’importance de leurs métamorphoses. C’est au point de vue de ces transformations, dont l’étude constitue l’embryogénie, que M. Agassiz a tenté d’établir une classification nouvelle, à laquelle la paléontologie doit en quelque sorte servir de vérification, s’il est vrai que les animaux aient apparu les uns après les autres dans le même ordre où ils doivent être rangés sur une échelle rationnelle.


III. – NOUVELLE CLASSIFICATION DES ETRES.

À toute époque, la classification représente exactement l’état des sciences naturelles, parce qu’elle est l’expression immédiate et abrégée de la méthode qui a dirigé l’étude de la nature, comme des principes sur, lesquels cette méthode s’est fondée. Ainsi dans l’antiquité la classification n’a eu d’autre base, à vrai dire, que la distinction des élémens où vivent les animaux : l’eau était considérée comme l’empire des poissons, l’air celui des oiseaux, le sol celui des quadrupèdes. Cuvier souleva le voile qui recouvre les opérations de la nature ; il étudia les êtres dans leur structure même. L’anatomie comparée, dont il est l’illustre fondateur, lui permit de les grouper d’après des types nettement définis, et un grand nombre