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se rapportent aussi à des espèces qui dépassent numériquement celles qui habitent actuellement la France. M. Agassiz insiste fortement sur tous ces exemples, auxquels il ajoute encore la découverte très récente de nombreux fossiles dans les mauvaises terres du Nebraska, en Amérique, pour prouver que les types actuels ne proviennent point de ce qu’on pourrait nommer la différentiation de quelques types primitifs ; il croit pouvoir en conclure qu’il n’y a aucun ordre de filiation généalogique entre les espèces qui ont vécu pendant les diverses formations géologiques. Il semble cependant que la seule conclusion rigoureuse qu’on puisse tirer de ces comparaisons, c’est que la nature s’est montrée autrefois aussi féconde qu’aujourd’hui.

Les recherches de M. Agassiz l’ont conduit à poser en principe que les divers types naturels n’ont primitivement été représentés que sous les formes les plus humbles, qui rappellent les embryons actuels. Ce fait remarquable ne peut-il point servir à donner jusqu’à un certain point l’explication de la multiplicité des espèces dans les anciens terrains, en supposant qu’elle soit générale, qu’elle puisse s’appliquer à toute la surface du globe et à toutes les formations ? Le perfectionnement de l’organisation paraît aujourd’hui encore coïncider avec la réduction du nombre des espèces. Tant que la nature animée ne revêt que des formes rudimentaires, elle s’essaie pour ainsi dire dans toutes les directions, et se prête aux variations les plus étranges. Plus l’organisation se définit et se complique, plus ce mouvement d’expansion est enfermé entre des limites rapprochées. Un des traits les plus saisissans du règne animal n’est-il pas le chiffre restreint des mammifères, qui forment une véritable aristocratie, si on les compare aux oiseaux, à la foule des poissons qui pullulent dans les mers et les fleuves, à la multitude des mollusques, enfin à ces myriades d’animaux inférieurs dont les formes présentent tant de variétés, que la mémoire la plus tenace ne peut en conserver fidèlement le souvenir ?

Quoi qu’il en soit, M. Agassiz ne croit point qu’on puisse reconnaître une parenté naturelle entre les faunes qui ont successivement animé notre globe. Suivant lui, les grandes révolutions géologiques, qui ont à de fréquentes reprises inauguré des phases nouvelles dans l’histoire de la terre, ont toujours amené la destruction complète de tous les êtres vivans. Une création nouvelle a chaque fois repeuplé le globe ; des animaux différens ont été distribués dans des zones d’habitations marquées, et placés dans les stations qu’ils étaient destinés à occuper. M. Agassiz n’admet point qu’on puisse trouver une seule espèce identique dans deux formations géologiques qui se suivent. La classification des terrains tertiaires n’étant fondée actuellement