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globe, et que, dans la longue série des âges, ils ont changé de station ; en même temps, les espèces, les genres et les familles n’étant doués que d’une vitalité bornée, des extinctions successives auraient eu lieu dans le règne animal. Cuvier défendit cette hypothèse, en se préoccupant surtout des migrations et des extinctions des animaux terrestres ; mais, depuis que la paléontologie a fait connaître les grandes faunes marines des temps passés, cette théorie, trouvée en défaut, a été à peu près abandonnée. Au lieu de croire que la population terrestre ait été constamment en s’appauvrissant, les naturalistes sont généralement aujourd’hui d’accord pour admettre qu’à de nombreuses reprises des êtres nouveaux ont apparu sur le globe à mesure que disparaissaient les anciens ; mais on a voulu expliquer ce remplacement mystérieux, et de nouveaux systèmes se sont produits. Ceux qui considèrent les espèces animales comme absolument invariables sont forcés d’admettre qu’il y a eu plus d’une création, et font intervenir la puissance divine chaque fois qu’ils rencontrent une espèce nouvelle : ils refusent de reconnaître une filiation quelconque entre les animaux actuels et les animaux éteints, une marche progressive de l’imparfait vers le parfait dans la succession chronologique des êtres. Ceux au contraire qui ont accepté, en les modifiant plus ou moins profondément, les idées de Lamarck admettent que les espèces animales se sont transformées d’âge en âge, par suite des révolutions physiques dues au lent refroidissement de la terre et aux violens cataclysmes qui en ont tant de fois brisé et accidenté la surface. Au lieu de chercher uniquement dans la nature externe la cause des changemens qu’a subis la nature animée, l’illustre Geoffroy Saint-Hilaire les fit découler d’une cause qui lui serait inhérente et serait l’un des attributs mêmes de la vie. Un plan unique préside, suivant lui, au développement de toutes les formes organiques, et les variations multipliées que nous y observons sont dues à l’action variable de cette force, sans cesse contrebalancée par une force contraire, qui impose des limites à la fécondité créatrice de la nature. Ainsi, de ces quatre théories, la première est fondée sur une création unique et des extinctions successives, la deuxième sur des créations multiples et la négation de tout progrès organique, les deux dernières sur une transformation des êtres due, soit aux modifications de la nature physique, soit à l’action même des forces vitales.

M. Agassiz n’a adopté, au moins dans son entier, aucune de ces théories ; il a introduit des considérations absolument nouvelles dans l’étude de ce grand problème de la hiérarchie et de la succession des êtres organisés. — Il n’admet point le principe posé par Geoffroy Saint-Hilaire, et connu sous le nom de l’unité du plan organique