ainsi associé aux intérêts du commerce, de l’industrie, de la fortune mobilière, ou des professions libérales : elle a créé de la sorte un cadre élastique destiné à se prêter aisément à l’admission de tous ceux qui, dans telle ou telle condition, appartiennent aux classes moyennes ou bien s’y font leur place. C’est grâce à cette disposition légale que le corps des électeurs, sans être dispersé dans la nation, n’en a pas été isolé.
Tel est le danger que la nouvelle législation a toujours cherché à prévenir, et c’est afin de le détourner qu’en 1850 il fut reconnu nécessaire d’élargir dans les bourgs d’Irlande les conditions dont dépendait le droit de suffrage. Le nombre des électeurs y était devenu peu à peu aussi insuffisant que dans les comtés, et ce fut à l’aide du même système qu’on l’augmenta dans une proportion de 11,000 à 24,000. Le pouvoir électoral a été attribué dans ces bourgs à l’occupation d’une propriété bâtie ou non bâtie, assujettie à la taxe des pauvres pour une valeur de 8 livres (125 fr.). La loi avait besoin d’obtenir des électeurs ; mais, en les obtenant, elle ne cessa pas de les choisir, et obligée d’amoindrir les garanties, elle ne les sacrifia pas.
À côté de l’unité établie dans les nouveaux bourgs, et à laquelle il n’a été dérogé qu’en partie pour l’Irlande, la diversité a subsisté dans tous les anciens bourgs qui ont été conservés par l’acte de réforme. En regard des droits qui ont été créés, les droits acquis ont été réservés à titre viager ou à titre perpétuel.
Les droits qui étaient réservés à titre viager se sont étendus à tous les privilèges qui dépendaient de la variété des statuts locaux, et qui, dans quatre-vingt-trois bourgs d’Angleterre, faisaient participer au pouvoir électoral, ici tous les habitans sans distinction, là les habitans logés, — tantôt ceux qui contribuaient aux impositions paroissiales, tantôt ceux qui ne recevaient pas de secours, ou même qui justifiaient seulement, suivant le vieil usage, des moyens de mettre le pot-au-feu. Toutefois, depuis vingt-cinq ans, de tels droits s’éteignent successivement, et tombent en outre chaque jour sous le coup de la prescription par le non-usage auquel la loi les a soumis. Aussi la réserve qu’elle en a faite n’a plus guère aujourd’hui qu’une importance historique ; mais elle permet au moins de reconnaître quels sont les tempéramens avec lesquels en Angleterre il est fait justice même des abus, quand ils paraissent tenir à des droits acquis.
L’importance des anciens droits qui ont passé dans la constitution électorale du pays doit donc se mesurer à ceux qui ont été réservés à perpétuité. La classe la plus considérable[1] qui en profite,
- ↑ Le droit de suffrage n’a pas cessé non plus d’appartenir en perpétuité aux propriétaires qui avaient déjà acquis dans la circonscription du bourg un titre de pleine propriété comme francs-tenanciers, ou de propriété bourgeoise, parfois suffisant dans l’ancien système électoral pour obtenir suivant certaines conditions la qualité d’électeur ; mais le nombre des bourgs où un tel privilège a dû être respecté à titre perpétuel, soit en Angleterre, soit en Irlande, est très restreint, et il n’y a pas dès-lors à en tenir grand compte.