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le plus libéral des tarifs du monde civilisé, le plus conforme aux intérêts du consommateur et particulièrement du grand nombre, le mieux combiné pour le véritable avantage du travail national. Ses caractères généraux sont ceux-ci : entrée libre des subsistances les plus communes, entrée libre des matières premières, en entendant ce mot dans le sens le plus large, de manière à y comprendre par exemple les textiles filés, écrus, blanchis ou teints, et les produits chimiques ; entrée libre de la plupart des articles manufacturés de grande consommation, tels que les tissus de coton, de laine, de lin, de chanvre ; hors de là, des droits qui, presque toujours, quand il s’agit d’articles manufacturés, ne sont que de 5 ou de 10 pour 100, et souvent sont moindres. Il est tellement en rapport avec l’intérêt public, que les plus impétueux adversaires de Robert Peel n’ont pas tardé à s’y rallier. Aujourd’hui il n’y a pas un homme de quelque importance en Angleterre qui ne considérât comme une qualification fort désobligeante d’être signalé comme protectioniste.

On énonce une vérité banale aujourd’hui, lorsqu’on dit que la liberté du commerce a été pour l’Angleterre l’origine d’un degré jusqu’alors inconnu de bien-être pour les populations, et pour le trésor public une source inespérée de recettes. Il n’est pas difficile d’indiquer les raisons générales d’un aussi éclatant succès politique, social et financier. Les populations y ont gagné doublement : elles ont eu plus de travail, et elles ont été déchargées des lourdes redevances qu’elles payaient aux différens intérêts privilégiés. Le travail abonde, parce que les droits de douane qui pesaient sur les matières premières ont été supprimés. Quand les matières premières sont à plus bas prix, on en emploie davantage. La largeur avec laquelle on avait classé, parmi les matières premières, une multitude de substances, les unes à demi fabriquées, comme les fils, les autres complètement préparées, comme les produits chimiques de toute sorte, avait accéléré et agrandi le développement du travail. Le champ du travail s’est encore étendu par la raison qu’on a pu voir plus haut à l’occasion des soieries : la concurrence étrangère ayant stimulé celles des industries qui étaient en arrière, elles ont produit à plus bas prix, et la consommation s’est développée d’autant. Enfin une importation inaccoutumée de produits étrangers a déterminé une exportation prodigieuse de produits anglais[1] ; tout cela se traduit par de beaux supplémens pour le travail national.

  1. En 1842, la valeur des exportations anglaises était de 47,284,988 livres sterling ; en 1856, elle a été 115,890,875 liv. stevl.