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réductions analogues représentèrent pour le trésor un sacrifice presque double, 2,769,000 liv. (69,800,000 fr.). En 1826, l’abaissement des droits de douane fut équivalent à 773,000 livres sterL (19,485,000 fr.). Pendant le même temps, des droits d’accise assis directement sur la fabrication de quelques objets, et qui gênaient la liberté du travail, étaient diminués dans de fortes proportions. On voit, par la grandeur des sommes retranchées ainsi du budget des recettes, avec quelle vigueur procèdent, une fois qu’ils sont décidés, les hommes d’état de la Grande-Bretagne.

À partir de 1830, le cours même des idées libérales prit une autre direction. On leva l’interdit politique qui pesait sur les catholiques, on accomplit la réforme électorale, on affranchit les noirs ; mais pour ce qui est de la liberté commerciale, on n’entendait plus en sa faveur que des réclamations solitaires dans le sein du parlement ou au dehors. Enfin se forma à Manchester la ligue pour l’abolition des lois sur les céréales, et en peu d’années, comme elle répondait au besoin public, qu’elle avait parmi ses chefs des hommes d’un talent rare, d’un patriotisme ardent et courageux et d’une activité incomparable, elle devint une puissance. En 1840, il lui vint la précieuse assistance d’une commission nommée dans la chambre des communes, sur la proposition de M. Hume, pour ouvrir une enquête sur la législation douanière. À la fin de 1841, après la rentrée définitive aux affaires de sir Robert Peel, il était clair que la politique commerciale stationnaire avait fait son temps. L’opinion publique avait enfin été retournée. M. Cobden, M. Bright et leurs amis, hommes généreux, éloquens, infatigables, avaient réussi ; la petite phalange qui les secondait très bien dans l’enceinte de la chambre des communes, et dont le membre le plus dévoué et le plus actif était M. Charles Villiers, allait devenir la majorité.

Robert Peel jusque-là avait été protectioniste ; mais c’était un esprit éclairé, un cœur patriote, un véritable homme d’état, prompt à s’inspirer des nécessités de la situation, un caractère ferme et résolu dans la délibération et dans l’action. Malgré ses antécédens protectionistes, il était destiné à se rendre l’interprète de la volonté nationale, en proclamant et faisant prévaloir dans le parlement le principe de la liberté du commerce. La victoire fut remportée, après une lutte violente, par le vote de la loi du 26 juin 1846, qui abolit l’échelle mobile sur les céréales, et y substitua un droit de balance de 42 centimes par hectolitre. Ce grand acte avait été préparé par Peel, dès son retour aux affaires, au moyen de réformes successives largement conçues, qui avaient consisté non-seulement à abolir ce qui restait de prohibitions commerciales, mais aussi à réduire dans de fortes proportions, sinon à supprimer les droits sur les denrées alimentaires, les matières premières et une multitude de produits