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de toute condition de revenu, mais ils n’ont dû garder leur privilège qu’à titre viager. D’autre part, les francs-tenanciers qui ne rentraient pas dans cette classe, et auxquels la nouvelle législation a reconnu les droits qui leur étaient auparavant refusés, ont été soumis, comme tous les autres propriétaires, à la condition d’un revenu de 10 livres (250 fr.).

En Irlande, le droit des francs-tenanciers, élevé, en 1829, de 40 shillings (50 fr.) à 10 livres (250 fr.), à raison du trop grand morcellement des terres, a été abaissé, en 1850, de 10 livres à 5 livres. La condition des fermiers a été un peu différemment réglée, et la loi, sans se départir du même système, s’est montrée en général plus facile dans la fixation du revenu qu’elle exige[1]. Toutefois elle n’étendit pas le droit de suffrage au-dessous d’un bail de quatorze ans, à raison du nombre trop considérable des petits fermiers, qui atteint à un chiffre de 500,000. En 1852, une nouvelle classe fut associée au pouvoir politique d’après un nouveau système, et le droit de suffrage remanié fut attribué à tous ceux qui avaient, comme propriétaires ou locataires, un droit d’occupation sur des biens-fonds assujettis à la taxe des pauvres pour une valeur de 12 livres, Cette nouvelle augmentation du corps électoral des comtés était destinée à réparer les grands vides qu’y avaient faits tour à tour la famine, l’émigration et la transformation de l’état économique de la propriété ; elle était justifiée par la nécessité, et elle atteignait à son but en élevant le nombre des électeurs de 21,863, à 155,645. Comme disait le marquis de Lansdowne en la proposant, elle était devenue pour l’Irlande la véritable condition d’un gouvernement représentatif.

Ainsi c’est dans des classes différentes que se recrutent les électeurs des comtés ; mais, en mettant à part la nouvelle classe, un peu mélangée, des électeurs d’Irlande, il est facile de reconnaître qu’elles sont destinées à être rapprochées par les mêmes intérêts, les intérêts de la propriété et du fermage. C’est de son unité que le corps des électeurs de comté tire sa force, et c’est grâce à cette unité qu’il peut garder le rôle que la prévoyance de la constitution lui a assigné en le destinant à représenter les principes du parti conservateur. Cette garantie serait fort compromise, si les conditions du droit de suffrage devaient être abaissées dans les comtés jusqu’au niveau de celles dont il dépend dans les bourgs. Un tel changement, demandé depuis quelques années par un membre du parlement, M. Locke-King, en appelant les petits locataires de toutes les bourgades du

  1. Ainsi le fermage d’une propriété d’un revenu de 10 livres suffit quand la durée du bail est au-dessus de vingt ans. Au-dessous de vingt ans, c’est un revenu de 20 livres qui est exigé.