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a affaire à un gouvernement investi d’une immense s prérogative, il reste au fond aussi exigeant, aussi intraitable. Il lui conteste dans des traités ex professo l’attribution la plus naturelle, la plus indispensable à un gouvernement prudent, celle d’essayer par des décrets la réforme des dispositions du régime douanier avant d’en faire l’objet d’un projet de loi. Il ne néglige aucun moyen d’action : il a son budget, dont il ne livre cependant à la publicité ni la colonne des recettes, qui aurait de l’intérêt, ni celle des dépenses, qui ne serait pas la moins curieuse. Il a même pour intimider les gens une troupe d’insulteurs publics qui, je l’espère bien, me feront l’honneur de m’injurier demain à propos du présent article. De la défiance publique qui existe contre l’Angleterre, il s’est fait une arme redoutable dont il frappe d’estoc et de taille. Quand il a la bonne fortune de rencontrer à la tête du cabinet anglais un ministre comme lord Palmerston, dont le langage offre des réminiscences de 1808, et qui, à propos de l’isthme de Suez par exemple, se répand en discours fâcheux pour sa renommée, le parti prohibitioniste l’exploite avec ardeur et succès, pour échauffer le sentiment national contre la nation britannique et contre tout ce qu’il représente comme venant d’elle, mais surtout contre ce qui pourrait tendre à accréditer l’idée de toucher au tarif des douanes et d’en faire disparaître la prohibition, alors cependant que toute l’Europe l’a répudiée aussi bien que les. Anglais.

Pour connaître en détail l’histoire de la réforme commerciale de l’Angleterre, un excellent moyen est fourni aujourd’hui par une publication importante et étendue, où toute chose est froidement exposée dans le langage de la science, avec accompagnement de détails statistiques très-nombreux, puisés aux sources officielles : je veux parler des volumes V et VI de l’Histoire des Prix, de M. Thomas Tooke, qui viennent de paraître.

M. Th. Tooke, qui aujourd’hui encore, malgré le poids des années, est un des plus infatigables économistes de l’Angleterre, a publié successivement, sous le titre d’Histoire des Prix, un exposé historique des principaux faits industriels et commerciaux dont l’Angleterre offre le spectacle. Les principales marchandises y sont toutes mentionnées avec les variations qu’elles ont éprouvées dans leurs prix, et c’est de là que l’œuvre reçoit son nom. Les céréales, qui parmi les marchandises ont le premier rang par ordre d’importance, y occupent toujours une grande place. Les phénomènes auxquels donnent lieu les banques y sont analyses et qualifiés, et c’est le sens dans lequel il faut entendre les mots état de la circulation, ajoutés au titre. De temps en temps, à mesure que les années s’écoulent, M. Tooke fait paraître un volume nouveau. Le dernier publié, le quatrième, était de 1847. Cette fois, au lieu d’un, il en publie