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avait perdu son parlement et son administration spéciale, les cours de justice étaient la seule des grandes institutions nationales qui fût demeurée debout. Toute la vie politique et intellectuelle du pays s’était concentrée dans le barreau, dans les universités et dans le clergé. Le clergé presbytérien allait, il est vrai, dégénérant tous les jours. Pendant le XVIIe siècle, et tant qu’on avait pu craindre un retour des Stuarts, il avait été à la tête de la nation par l’influence comme par les lumières ; les plus considérables des laïques se mettaient volontairement à sa suite : c’est lui qui avait fait pencher la balance en faveur de la révolution. Par ses luttes contre la royauté et l’épiscopat, par les persécutions qu’il avait endurées, la constance qu’il avait déployée, les services qu’il avait rendus, il avait acquis l’estime et la reconnaissance de la nation ; mais de longues années de sécurité avaient amené à leur suite la tiédeur et le relâchement chez les pasteurs, l’indifférence chez le peuple. Le ministère religieux, réduit aux paisibles devoirs du sacerdoce, n’avait plus rien qui séduisît les caractères ardens ni les esprits d’élite. À mesure que le niveau s’abaissait, la couronne et les grands propriétaires usaient plus librement de leur droit de patronage ; ils le faisaient servir à leurs vues politiques, et recherchaient la souplesse plutôt que l’élévation du caractère, la modestie des habitudes plutôt que l’instruction et le talent. Le clergé ne se recrutait donc que d’hommes médiocres, faiblement instruits et mal payés, dont l’ambition se réduisait à végéter dans leurs menses, à s’acquitter convenablement de leurs fonctions et à gagner la bienveillance du patron. On avait donc une église contente de peu, honnête et régulière, mais sans influence et presque sans considération, et du sein de laquelle ne sortait plus ni un écrivain, ni un prédicateur de mérite. L’assemblée générale offrait la preuve de cette décadence continue.

On appelait ainsi la réunion des délégués, ecclésiastiques et laïques, de toutes les églises d’Écosse, que l’on convoquait tous les ans, pendant douze jours, dans la vieille cathédrale de Saint-Giles, pour juger les causes ecclésiastiques et régler les affaires religieuses. L’assemblée générale se composait de 200 ministres et de 150 anciens ; deux commissaires de sa majesté venaient, comme au temps des Stuarts, présider à l’ouverture de ses travaux avec la rigoureuse étiquette et dans toute la pompe de la royauté. Ce parlement ecclésiastique avait été, pendant deux siècles, l’institution la plus vivace du pays et l’âme de la nation. Tout ce qu’il y avait d’hommes considérables en Écosse aspirait à y siéger. Ses débats tenaient la population attentive, car il s’y agissait souvent des convictions religieuses de tous, et les deux chambres écossaises, dans leurs démêlés avec la royauté, recevaient le mot d’ordre de l’assemblée, et