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laquelle la royauté, représentée par le ministère de lord Grey et de lord John Russell, résolument soutenue par la chambre des communes, força la résistance opposée jusqu’à la dernière heure par la chambre des lords. Tel fut le beau triomphe de toutes ces qualités de persévérance, de patience, de modération et de respect constant de la légalité, qui permettent à un peuple d’atteindre sûrement au but, parce qu’elles l’empêchent de le dépasser. Il donnait encore une fois de plus le consolant exemple d’un pays qui, connaissant ce qu’il veut et sachant s’y tenir, se montre digne des concessions qu’il obtient de son gouvernement, parce que, suivant la fine remarque que faisait un jour le prince Albert dans un entretien privé, « les concessions n’y sont jamais le point de départ d’aucune exigence. »


II

L’acte de réforme qui rajeunissait la vieille constitution avait été conquis par l’énergie de cet esprit à la fois tenace et conservateur qui est la principale qualité d’un grand peuple : n’ayant pas été précipité, il avait pu être mûrement préparé, et il n’était point exposé au sort, de ces coups d’essai improvisés sur lesquels il faut plus tard revenir. Le mouvement en avant avait été bien calculé, de façon à n’être pas suivi d’un mouvement en arrière : pour que les changemens restent dans les lois, et pour que les libertés n’y soient point passagères, il faut que les peuples sachent les obtenir avant de les recevoir. L’acte de réforme, avant d’être donné, fut obtenu ; aussi s’est-il fait place dans les institutions du pays. Étendu dans la même année à l’Ecosse et à l’Irlande, complété plus tard par quelques lois de détail qui y ont été ajoutées, il est resté depuis vingt-cinq ans le code électoral de la Grande-Bretagne.

La nouvelle législation a conservé l’ancien nombre des membres de la chambre des communes, fixé, depuis l’acte d’union avec l’Irlande en 1800, à 658, et limité aujourd’hui à 654 ; mais elle en a changé la répartition soit entre les trois royaumes, soit entre les collèges électoraux de chaque royaume. Elle a ainsi donné, pour les comtés, les bourgs et les universités, à l’Irlande 105, à l’Ecosse 53, à l’Angleterre 500 députés, réduits aujourd’hui à 406, par suite de la déchéance du droit de représentation à laquelle deux bourgs, convaincus de s’être laissé corrompre, ont été condamnés[1].

  1. Des 105 députés d’Irlande, 64 sont envoyés par les comtés et 41 par les bourgs, dont 2 par l’université de Dublin. Des 53 députés d’Ecosse, 30 appartiennent aux comtés et 23 aux bourgs. Des 496 députés de l’Angleterre et du pays de Galles, 159 ont été attribués aux comtés entre lesquels ils ont été répartis inégalement à raison de leur territoire, — un comté nommant 6 membres, d’autres en nommant 4, 3, 2, ou même, comme plusieurs comtés du pays de Galles et de l’Ile de Wight, un seul représentant. 337 députés ont été donnés aux bourgs, tantôt à raison de 4 membres, comme pour la Cité de Londres, tantôt à raison de 2 représentans ou d’un seul député : parmi eux, 4 ont été réservés comme autrefois aux deux universités d’Oxford et de Cambridge.