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s’inquiète pas de leurs paroles : ses quatre bas-reliefs nous intéressent par la composition, nous charment par la précision de la forme. En imitant servilement les sculptures de Chartres ou de Reims, il aurait tout au plus réussi à contenter quelques admirateurs fanatiques du moyen âge.

M. Cavelier, absorbé par les travaux du nouveau Louvre, n’a envoyé que deux bustes de femmes. Il y a dans ces ouvrages une délicatesse de goût qui frappera tous les yeux. Si le talent de l’auteur n’était pas connu depuis longtemps, ils suffiraient pour marquer sa place parmi les meilleurs élèves de David. Le malheur de M. Cavelier est d’avoir trouvé des panégyristes qui ont exagéré son mérite. Le talent ne lui suffit plus. Pour ne pas leur donner un démenti, il se voit dans la nécessité d’avoir du génie : c’est une rude condition. La Pénélope, qui a obtenu le grand prix de sculpture, décerné par le jury des récompenses, est certainement une œuvre très digne d’attention. Il y a dans la draperie de cette figure une souplesse merveilleuse. Le mouvement du torse et des membres s’accorde bien avec le sujet. Cependant il s’est fait trop de bruit autour de la Pénélope. La draperie qui excite tant d’admiration se retrouve tout entière dans une statue d’impératrice placée au musée du Capitole. Le sculpteur français peut revendiquer le mérite d’un praticien très habile : c’est bien quelque chose sans doute, mais il n’y a pas là de quoi exciter des transports d’admiration. M. Cavelier, qui est un homme studieux, et qui a trop de bon sens pour s’abuser sur la valeur de son œuvre, s’efforce de mériter la popularité qui lui est faite. Jusqu’à présent, je dois le dire, il n’a encore produit aucune figure qui justifie les promesses de ses panégyristes. La Vérité, qu’il a montrée à l’exposition de 1855, n’était qu’une femme jeune, d’une robuste santé, modelée avec adresse, mais complètement dépourvue de caractère idéal. Les admirateurs de la Pénélope se sont à peine occupés de la Vérité. Quelques-uns ont paru croire que le talent de M. Cavelier était réservé aux figures drapées, ce qui pourrait passer pour une épigramme. Les deux bustes que nous voyons cette année, sans pouvoir se comparer aux bustes virils de David, car David n’a jamais réussi à faire un buste de femme, révèlent cependant une intelligence profonde du masque humain. Quant à l’invention proprement dite, jusqu’ici M. Cavelier ne paraît pas s’en être inquiété bien vivement. Possède-t-il ce don mystérieux ? Je ne voudrais pas le nier, je ne voudrais pas l’affirmer. Le passé rangerait M. Cavelier parmi les sculpteurs prosaïques ; l’avenir donnera-t-il un démenti au passé ? Il serait téméraire de se prononcer. Quant à présent, l’auteur de la Pénélope est un homme habile, qui connaît toutes les ruses de son métier. Si plus tard il est capable