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et au nord sont bas et sablonneux, et par un temps brumeux on ne saurait les distinguer. » La plus grande largeur de la nappe d’eau parait être d’une quinzaine de lieues et la hauteur de quatre ou cinq seulement. M. Andersson en a fait le tour. Le Teoghé ou Tioghé, dont M. Livingston avait eu connaissance, se jette dans le lac à son extrémité nord-ouest. Cette rivière est étroite, mais profonde, et roule dans la saison des pluies une masse d’eau considérable. On ne sait pas encore où elle prend sa source. Le voyageur tenta de la remonter ; mais, après dix jours d’efforts pénibles, il n’était pas parvenu au-delà d’un degré dans la direction nord-ouest du lac. Comme le Tioghé va en s’élargissant dans sa partie supérieure, on peut croire qu’il met en communication, ainsi que le Zougha, un chapelet de lacs du sud au nord. Quelques Bushmen ont pénétré jusque dans la région que ce fleuve arrose ; mais les tribus qui habitent réellement les bords du Tioghé sont celles des Bayéyés, des Matsanyanas et des Bavicko. La capitale de ces derniers, qui paraît ne pas manquer d’importance, s’appelle Libébé. Elle est le centre du commerce qui se fait entre les tribus de cette partie de l’Afrique. Elle reçoit, si l’on en croit le rapport des indigènes, quelques Portugais de la côte occidentale qui y sont attirés par les profits du commerce de l’ivoire, des bestiaux et des esclaves. Les Bavicko semblent être une population agricole et industrieuse, présentant de grands rapports avec certaines populations de la côte de Mozambique. Sans doute des liens de parenté rattachent entre elles les populations principales de l’Afrique, malgré la diversité de leurs noms, de leurs dialectes et même de leurs habitudes. Il appartiendra aux ethnographes, quand la géographie aura complété ses travaux et ses découvertes, de grouper par familles ces peuples en apparence innombrables, et d’étudier la filiation, aujourd’hui si obscure, des races africaines.

Du N’gami à la grande ville de Libébé, il existe par terre une route plus facile et plus directe que le cours du Tioghé ; mais elle est peu fréquentée à cause du tsé-tsé, qui anéantit en peu de jours de nombreuses caravanes. Quant au séjour de Libébé, une fièvre épidémique mortelle, même pour un grand nombre d’Africains des régions plus méridionales, l’interdit aux hommes venus d’Europe pendant une saison heureusement assez courte. M. Andersson ne visita pas en personne la capitale des Bavicko, mais il recueillit tous les renseignemens qu’il put se procurer des indigènes, et apprit que la région dans laquelle cette ville est située est arrosée par un grand nombre d’affluens du Tioghé, desquels les uns sont permanens et les autres temporaires, c’est-à-dire résultant des pluies et tarissant avec la saison sèche. Les indigènes disent qu’un fleuve considérable, le Cuanené peut-être, ou même le Kouanza, navigable jusque vers ses sources, coule dans le pays des Bavicko, portant à l’Atlantique un volume d’eau considérable. Si ce fait, qui a besoin d’être constaté, se confirmait, on verrait s’ouvrir une voie nouvelle et peut-être une communication facile pour pénétrer de la côte occidentale dans l’intérieur de l’Afrique.

Parmi les tribus voisines du N’gami, nous avons déjà cité les Bayéyés, qui, selon les savantes conjectures d’un géographe anglais, M. Cooley, ont dû émigrer de la côte occidentale vers les régions du lac à une époque déjà lointaine. Toutefois les Bayéyés ont plus de ressemblance avec les indigènes