Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 10.djvu/601

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on y voit Trajan sacrifiant à Mars, à Apollon, au dieu Sylvain. Constantin, qui ne permettait plus à ses soldats l’immolation solennelle du Capitole, n’en était pas encore à se scandaliser des représentations idolâtriques qui figuraient sur son arc de triomphe.

Du reste, ce n’est pas la seule trace qui reste des concessions du premier empereur chrétien au culte qu’il abandonnait, mais n’interdisait point et même ne répudiait pas absolument. On sait qu’il conserva toujours le titre de grand-pontife, lié si étroitement au culte païen, et dans ses rapports avec l’église Constantin ne montra que trop qu’il se considérait toujours comme le chef de la religion. La prétention qu’il eut constamment de faire prévaloir, en matière de foi, sa volonté et sa sagesse impériales était un reste de cette idée toute païenne, — bien qu’on la retrouve chez des souverains qui se disaient chrétiens, soit dans les pays catholiques, soit surtout dans les états protestans, — qu’à l’autorité civile il appartient de régler la croyance. L’inscription gravée sur l’arc de Constantin est curieuse par le vague de l’expression en ce qui touche aux idées religieuses, par l’indécision calculée des termes dont se servait un sénat qui voulait éviter de se compromettre dans un sens comme dans l’autre. L’inscription porte que cet arc a été dédié à l’empereur parce qu’il a délivré la république d’un tyran (on dit encore la république !) par la grandeur de son âme et une inspiration de la Divinité, instinctu Divinitatis. Il parait même que ces mots ont été ajoutés après coup pour remplacer une formule peut-être plus explicitement païenne. Ce monument, qui célèbre le triomphe de Constantin, ne proclame donc pas encore nettement le triomphe du christianisme. Comment s’en étonner, quand sur les monnaies de cet empereur on voit d’un côté le monogramme du Christ et de l’autre l’effigie de Rome, qui était une divinité pour les païens ? Constantin prescrivit de célébrer le repos religieux du dimanche, et publia un édit sur la manière de consulter les aruspices ; à Constantinople, il faisait promener dans l’hippodrome sa propre statue, portant une image de la Fortune dans la main. Il tenait donc à cette idolâtrie, la plus impie de toutes, qui consacrait l’apothéose de sa fortune.

Le paganisme, dont l’arc de Constantin porte l’empreinte, se continua longtemps après lui. Quand Théodose vint à Rome, il la trouva opiniâtrement païenne. Après qu’il eut ordonné de fermer les temples, les images des dieux y demeurèrent, et même ces temples se rouvraient quelquefois. Un préfet de Rome sacrifiait à Cérès ; un autre champion obstiné du paganisme érigeait des autels aux douze dieux consentes. On a reconnu les débris d’un temple de ces dieux au pied du Capitole. Les vieilles superstitions étrusques n’étaient