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Corydon compare l’ovale du Colysée à une vallée partout entourée de montagnes,

Sic tibi planitiem curvœ sinus ambit arenœ
Et geminis médium se molibus alligat ovum.

Dans ce qui suit, l’hyperbole est forte, mais il fallait bien flatter cet exécrable Carin en mettant tout ce qu’on avait pu admirer au-dessous des divertissemens qu’il venait de donner au peuple. Heureusement l’éloge emphatique de ces divertissemens contient de nombreux détails qui mettent pour ainsi dire sous nos yeux les magnificences de l’arène. Calpurnius nous promène dans toutes les parties du Colisée un jour de représentation. Déjà nous sommes montés avec lui au paradis ; il fait maintenant étinceler à nos regards le pourtour de l’arène, orné de pierreries, et les portiques dorés :

Baltheus en gemmis en illita porticus auro
Certatim radiant.


Puis il énumère tous les animaux rares et singuliers qu’il a vus paraître tour à tour : des lièvres blancs, des sangliers cornus, des élans venus des forêts de la Germanie, des bœufs bossus de l’Asie, des veaux marins combattant contre des ours, des hippopotames du Nil. Le poète fait décrire par Corydon l’apparition des bêtes féroces s’élançant du sein de la terre, qui semblait tout à coup s’ouvrir, et d’où sortait aussi une végétation soudaine ; c’était à qui se surpasserait, dans ces sanglans spectacles, par des coups de théâtre inattendus. Ainsi Septime-Sévère avait donné à l’arène la forme d’un navire. Dans un enfoncement, on avait placé quatre cents animaux qu’on avait lâchés pêle-mêle, ours, panthères, lions, autruches, onagres, et qu’on avait eu le plaisir de voir égorger dans une agréable confusion.

Après les empereurs aux traits hagards et inintelligens que nous a présentés la série du Capitole, l’œil rencontre un personnage d’un aspect tout différent, au front large, à la tête carrée, et dont l’air posé et réfléchi annonce l’attention et la capacité, un personnage qui rappelle un peu Vespasien, mais avec plus de sérénité, qui a le sourire froid plutôt qu’ironique ; c’est Dioclétien. En le voyant, on reconnaît tout d’abord la tranquillité d’un esprit qui se possède et sait ce qu’il veut, celui dont l’histoire a pu dire : « Homme remarquablement rusé, aux desseins profonds, quelquefois hardis, — toujours prudent, et comprimant par son extrême opiniâtreté les mouvemens inquiets de son cœur, »

Dioclétien fut loin d’être un sage sur le trône. En Égypte, il usa cruellement de sa victoire et la souilla par le carnage et les proscriptions.