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que nous pouvons aujourd’hui contempler dans les musées de Rome. Ce fut aussi dans le forum de Nerva qu’Alexandre, se montrant jusqu’à la barbarie digne de son nom de Sévère, fit étouffer par la fumée un homme qui avait trafiqué d’une faveur prétendue et vendu de la fumée, jeu de mots encore plus révoltant que la rigueur immodérée de l’arrêt. À Rome, les plus doux étaient parfois cruels.

Alexandre Sévère, comme Adrien, connaissait et pratiquait les arts, mais il ne persécutait point les artistes supérieurs à lui, et ne se débarrassait point de ses rivaux par un arrêt de mort. Comme Néron, il aimait la musique, mais il ne chantait pas sur le théâtre, et réservait ce plaisir pour l’intérieur de sa famille. Alexandre Sévère passe pour avoir été l’inventeur de cette espèce de mosaïque formée d’un assortiment de porphyre et de marbre de différentes couleurs qu’on appelle opus Alexandrinum, dont il orna son palais, et qui plus tard fut employé si heureusement dans les basiliques chrétiennes ; mais Lampride, qui lui attribue cette invention, oublie qu’il en a déjà fait honneur à Heliogabale.

Alexandre Sévère, né en Syrie, était plus Grec que Romain ; ses traits ont la délicatesse d’un éphèbe. Il parla toujours mieux le grec que le latin, et se plaisait à lire Platon ; c’est un doux disciple de Socrate comme égaré parmi la barbarie romaine. Cependant ce prince si doux était guerrier, cette tête gracieuse, fuit venustule decorus, était portée par un corps grand et robuste. J’ai peine à croire, d’après ses bustes, dont l’expression est si tranquille, à la vivacité de son regard, dont parle Lampride ; peut-être était-ce pour le flatter qu’on feignait de n’en pouvoir supporter l’éclat. Sévère fit avec succès plusieurs campagnes importantes. Des fantaisies juvéniles se mêlaient à son goût sérieux pour les armes. Il poussait l’imitation d’Alexandre le Grand jusqu’à une rivalité frivole. On disait qu’Alexandre avait une légion formée de soldats qui portaient des boucliers d’argent ; Sévère en voulut avoir une composée de soldats aux boucliers d’or. En toute chose, il montra, à côté de qualités énergiques, je ne sais quoi d’enfantin qui se retrouve dans ses traits et dans ce qu’on sait de ses goûts. Il aimait les oiseaux, surtout les pigeons, et avait des volières pleines de paons, de faisans, de poules, de canards et de perdrix. Les soldats qui se mutinèrent contre lui l’appelaient un enfant, puer ; mais c’était un aimable et généreux enfant, qui dans l’occasion savait faire respecter la discipline comme un vieux guerrier.

Il eut toujours une tendre vénération pour sa mère, et construisit dans le palais des chambres auxquelles il donna son nom. Les soldats la massacrèrent avec son fils. On a cru reconnaître leurs deux statues sur un sarcophage qui est maintenant au Capitole, et qui était placé dans un grand tombeau romain qu’on appelle aujourd’hui