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mais que dans sa profondeur il doit renfermer des cours d’eau souterrains. Si les anciens Grecs eussent connu la théorie des puits artésiens, ils auraient peut-être donné à leurs plaines l’humidité qui leur manque. J’ai vu en Syrie, auprès de Tyr, les fameux puits que Salomon fit construire pour récompenser le roi Hyram de la cession des cèdres de ses montagnes : ce sont des puits artésiens plus beaux qu’aucun de ceux que nous possédons en Europe. Il est donc certain que les anciens ont connu les puits jaillissans ; cependant je n’ai rencontré dans l’Attique aucune trace de puits artésiens antiques[1]. Il paraît que l’eau des fontaines était soigneusement ménagée, et que des canaux l’amenaient du mont Pentélique à Athènes. Si la Grèce fut peu richement dotée au point de vue agricole, en revanche elle a été merveilleusement favorisée pour la navigation : par l’Adriatique, cette contrée se lie à l’Europe ; par la mer de l’Archipel, elle touche à l’Asie. Ses golfes nombreux et profonds laissent pénétrer les vaisseaux jusqu’au milieu des terres ; ses îles, semées de toutes parts, semblent comme des places de commerce jetées entre l’Asie et l’Europe. Ces espaces, que des milliers de bâtimens de commerce ont visités et visitent encore chaque jour, seraient restés presque déserts, s’ils eussent été une suite de gorges et de montagnes ; mais les mouvemens géologiques les ont abaissés de telle sorte que peu de points seulement sont restés émergés de manière à former des centres de populations et des lieux de relâche pour les barques de commerce, tandis que la plus grande partie, recouverte par les flots, peut être parcourue avec rapidité.

On sait que près des montagnes, les dépressions remplies par la mer sont généralement plus creuses que sur les rivages des pays de plaines : c’est ce qu’on observe en Grèce. Cette contrée étant montagneuse, les eaux sont profondes au pied même des rochers qui bordent les côtes, de telle sorte que de gros bâtimens peuvent s’avancer contre la terre ferme : les golfes constituent des rades naturelles. D’après les observations que je viens de présenter, on conçoit

  1. Le roi de Grèce est vivement préoccupé de la possibilité d’avoir des eaux jaillissantes. Je lui ai rendu compte des recherches que j’ai faites à ce sujet. Il résulte de mes observations qu’il y a possibilité, mais non certitude absolue, d’obtenir des puits artésiens. En effet, s’il ne me parait pas douteux que des cours d’eau s’étendent à la limite des terrains tertiaires et secondaires, il existe de grandes difficultés pour assigner les points précis où passent les eaux, car la surface des calcaires et des schistes qui forment les roches secondaires doit présenter dans l’intérieur de la terre des irrégularités semblables à celles que nous voyons à fleur du sol. Les sondages peuvent aboutir à des points où les marbres et les schistes constituent un mamelon au lieu de former une cavité. En outre, l’eau peut se perdre dans les catavothra, ces puits naturels dont j’ai déjà parlé. On a fait de grandes dépenses de forage en pure perte. Sur ma recommandation, un ingénieur français a été appelé ; un sondage vient d’être commencé, on est arrivé à une nappe d’eau très puissante, mais qui ne jaillit pas encore.