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juge impartial hésite à reconnaître chez les Grecs modernes un peuple éminemment spirituel et d’une aptitude singulière à tout ce qu’il voudrait entreprendre.

Mes ouvriers commençaient les travaux avec le jour, et les finissaient un peu avant le coucher du soleil. Alors on quittait le ravin, emportant le butin de la journée, c’est-à-dire des débris de membres, de crânes, etc. Pikermi renferme quelques cabanes groupées, comme dans la plupart de nos fermes de France, autour d’un espace vide servant de cour. Nous avions choisi, pour nous abriter pendant la nuit, la moins misérable des masures ; un matelas étendu sur une planche composait notre lit. Nous faisions venir d’Athènes toutes nos provisions de bouche, car, aussitôt que l’on quitte les principales villes de la Grèce, on est exposé à manquer des objets les plus indispensables à la vie. Des arbres entiers, réunis devant notre cabane, servaient à nous chauffer. Le soir, ils jetaient une clarté vacillante sur les vieux rochers du Pentélique. Autour de ce feu, soldats et ouvriers s’accroupissaient. Lorsqu’ils avaient eu double rasade et que le vin avait répandu la gaieté, ils chantaient quelques vieux refrains albanais ; quelques-uns dansaient autour du feu, tandis que d’autres frappaient dans leurs mains pour marquer la cadence ; puis tout se taisait. Le silence de notre solitude n’était plus troublé que par le craquement des branches de notre foyer ou par les aboiemens des dogues, qui de temps à autre nous prévenaient de nous mettre sur nos gardes.

C’est en 1836 que l’attention s’était pour la première fois portée sur les animaux fossiles du mont Pentélique. Un chasseur vint à Athènes annoncer cette découverte. Un savant distingué de Munich, M. Andréas Wagner, décrivit le premier les ossemens de l’Attique. Plus tard, un autre naturaliste de la même ville, M. Roth, entreprit en Grèce d’importantes recherches ; il s’unit avec M. Andréas Wagner pour publier la description d’un grand nombre de fossiles. De leur côté, les Athéniens ne négligèrent point les richesses géologiques qu’on venait de découvrir. M. Chœrétis, directeur de la pépinière royale d’Athènes, et M. Mitzopoulos, professeur d’histoire naturelle à l’université, trouvèrent eux-mêmes de précieux débris. Sur la prière de M. Forth-Rouen, l’un et l’autre ont adressé une série remarquable d’échantillons au musée de Paris ; ils ont fait cet envoi avec un désintéressement qui honore leur pays. L’Académie des Sciences s’occupa bientôt des fouilles de l’Attique, et de 1855 à 1856 je fus chargé d’entreprendre de nouvelles recherches, dont je vais exposer les résultats, en rappelant que j’ai déterminé et classé mes ossemens d’animaux avec le concours de M. Lartet, savant naturaliste bien connu par ses belles études paléontologiques dans le midi de la France.