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SALON DE 1857

LA PEINTURE



M. Ingres, M. Eugène Delacroix, M. Decamps n’ont rien envoyé au salon de cette année. La renommée très légitime qu’ils ont acquise depuis longtemps est à l’épreuve de la discussion. C’est pourquoi nous devons croire que s’ils ne figurent pas à l’exposition, c’est qu’ils n’ont à nous montrer aucune œuvre nouvelle. L’accueil qu’ils ont reçu du public en 1855 a dû leur prouver que la valeur de leurs travaux est pleinement appréciée. Leur absence ne saurait être imputée à une bouderie. Toutefois je regrette qu’ils ne paraissent pas cette année, car ils représentent d’une manière très nette trois formes diverses de l’invention dans les arts du dessin, et parmi les peintres dont les ouvrages sont aujourd’hui soumis au contrôle de l’opinion, il n’y en pas un qui se recommande par un goût aussi sévère que l’auteur de l’Apothéose d’Homère, par une imagination aussi active que l’auteur de l’Apollon Pythien, ou qui modèle en pleine lumière, comme l’artiste laborieux à qui nous devons le Supplice des crochets. Les hommes de talent ne manquent pas ; nous pouvons même, sans flatter notre pays, dire qu’ils sont nombreux. Ce qui fait défaut, c’est l’originalité. M. Ingres, qui procède de l’école romaine et qui invoque en toute occasion l’autorité de ses aïeux ; M. Delacroix, qui demande conseil tantôt à l’école vénitienne, tantôt à l’école flamande, et qui ne dissimule pas ses prédilections ; M. Decamps, qui nous est revenu d’Italie sans avoir rien changé à sa manière, et qui relève de Rembrandt, quoiqu’il n’essaie jamais de le copier, sont trois natures