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Hanswurst s’interrompait souvent pour apostropher vertement quelque mauvais, plaisant du parterre, qui, usant d’une liberté admise d’ailleurs, avait osé le provoquer. Hanswurst, qui avait la langue déliée et qui connaissait son monde, répondait par des lazzi et des quolibets qui excitaient contre le malheureux agresseur les rires de l’auditoire. Quelquefois même, sans être provoqué, et, il faut bien le dire, pour le seul plaisir de faire le mal, dans le cours de ses dialogues avec les mannequins ses confrères, il se permettait des allusions passablement transparentes à tel ou tel événement du jour. Malheur à qui avait blesse en quelque façon maître Rodolphe pendant son séjour à Wintzepheim ! Son inviolable Paillasse se chargeait de la vengeance. Il n’épargnait pas plus à l’occasion le monde catholique que le monde juif, le sacristain que le chantre de la synagogue, la nièce du curé que le fils du rabbin, les grands que les petits, le bourgeois que le manant. Vice régnant, ridicule en vogue, scandale du moment, il s’emparait de tout. Grossissant sa voix burlesquement enrouée, il nommait les personnes et les choses avec une licence aristophanesque, et commentait ses paroles par des gestes fort énergiques. Hanswurst faisait la joie des amateurs de commérages et la terreur des mauvaises, consciences.

Toutes ces représentations se donnaient dans l’enceinte même où j’ai laissé la noce des Marem en train de danser. On n’avait eu que peu de chose à faire pour transformer la salle de spectacle en salle de bal. Les murs blancs étalaient, en guise de tentures, de vieilles toiles d’araignées. Quant à la ventilation, elle n’était que trop largement assurée par un courant d’air sifflant à travers quatre croisées privées de leurs vitres malgré la rigueur de la saison. Le long des murs, les jeunes juives se pressaient toutes joyeuses. Elles portaient des tabliers de taffetas changeant, des robes de couleur éclatante, très courtes, et laissant voir, le long des bas blancs, de larges rubans noirs moirés. Elles avaient pour chaussures ces souliers en veau, à forme de tête de brochet, qui sont, de temps immémorial, à la mode dans le pays. Les païens des jeunes mariés, les amis et les invités des deux familles, se rendirent bientôt à l’appel de l’orchestre. Puis on vit paraître les deux mariés. La jeune femme avait son costume d’après-midi de noce : une robe de soie très claire, un mantelet en dentelles, un bonnet chargé de rubans roses.

Cependant la grosse caisse résonne, les tuyaux des trombones vont et viennent, les clarinettes sifflent. Ici on ne danse ni polka, ni redowa, ni mazourka, mais la valse à trois temps, la plus belle de toutes les danses. Ici on s’amuse de si bon cœur, que l’idée d’un rafraîchissement quelconque ne vient pas même à l’esprit ; on se contente le plus souvent d’ôter, les jeunes filles leurs fichus, les