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et le protecteur, et Aspar prit vis-à-vis de son nouveau maître une attitude arrogante qui devint peu à peu de l’hostilité ouverte. Heureux de trouver pour ses intrigues un point d’appui dans la famille impériale, il stimula les rancunes et l’ambition de Basilisque. La guerre qui allait commencer pouvait, en cas de réussite, jeter un grand éclat sur le règne de Léon et fortifier sa puissance personnelle, ce qui cadrait mal avec les desseins du Barbare : aussi désirait-il qu’elle ne réussit point, et il ne trouva rien de mieux, pour la faire échouer, que d’en procurer le commandement à Basilisque. Des ressorts mis en jeu avec adresse, surtout la vanité de l’impératrice Vérine, aiguillonnée à propos, menèrent le petit complot à bonne fin, et, malgré les répugnances de Léon, Basilisque fut nommé généralissime. Il en reporta naturellement tout le mérite à Aspar, lequel exigea de lui pour récompense qu’il ménageât par tous les moyens possibles les Vandales et leur roi. Feignant de ne voir dans cette guerre si nationale qu’une querelle religieuse, suscitée par la ferveur catholique de Léon, il recommandait à Basilisque de ne point pousser à bout une nation arienne, attendu que lui, Aspar, était arien, qu’il savait bien que le mauvais vouloir de l’empereur et les persécutions des catholiques, une fois assouvis au-delà des mers, ne s’arrêteraient pas là, et passeraient bientôt de ses coreligionnaires vandales à lui et aux siens. Les instructions d’Aspar, appuyées sur ce singulier raisonnement, n’en étaient pas moins absolues et impératives, et Basilisque dut promettre de ménager l’ennemi qu’il était chargé de combattre. Aspar s’en remettait pour le reste à l’ignorance et à la cupidité bien connues du généralissime ; il s’en remettait aussi à l’habileté de Genséric, auquel il opposait un aussi indigne adversaire. La nomination de Basilisque rejeta donc Marcellinus au second rang ; mais Anthémius le chargea du moins de la conduite des troupes occidentales.

Le plan de campagne concerté entre les deux empires était d’ailleurs hardiment conçu. La flotte occidentale, formant l’aile droite de l’expédition, devait, sous la conduite de Marcellinus, partir d’Italie, descendre dans l’île de Sardaigne, en chasser les Vandales, et rallier ensuite sur les côtes de Sicile le gros de la flotte orientale. Celle-ci se partageait en deux divisions dont la moins forte, composant l’aile gauche et confiée à un officier d’une grande expérience nommé Héraclius, devait toucher au port d’Alexandrie, y prendre les garnisons réunies de l’Égypte, de la Thébaïde et de la Cyrénaïque, pour attaquer Tripoli, qu’on espérait enlever sans combat. Laissant dans le port ses vaisseaux à l’ancre, Héraclius devait marcher par terre droit à Carthage, pendant que Basilisque, avec la division principale, ferait voile sur la Sicile, et de là sur Carthage, en