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Cette ville devint bientôt le centre de leur commerce dans le Levant. Maîtresse des îles d’Amboine, de Banda, de Ternate, de Malacca, de Ceylan, de Macaçar et du cap de Bonne-Espérance, la compagnie hollandaise tenait d’une main, dit un poète, l’urne des mers, et de l’autre une corne d’abondance d’où s’échappaient les fruits et les épices. Avant que les Hollandais n’en prissent possession, les terres du cap de Bonne-Espérance étaient condamnées à la stérilité ; mais depuis l’établissement de ce peuple industrieux à la pointe de l’Afrique, le sol produisit du froment, une quantité de fruits excellent rassemblés des quatre parties du monde, et des vins de différentes qualités. La mémoire de van Riebeek, fondateur de cette colonie importante, y est toujours en grand honneur.

La compagnie des Indes-Orientales avait des comptoirs sur toute la côte de Coromandel : elle possédait la ville de Nëgapatnam et le fort de Gueldre ; sur la côte de Malabar, elle commandait à Cochin, à Cananor et à Coula. Elle faisait un grand commerce avec Moka, Gameron, Surate, le Bengale, le Japon, la Chine, le Tonquin, Sumatra et Bornéo. À Moka, elle portait les épices, dont les Arabes font une grande consommation, et elle en rapportait de l’encens, de la myrrhe, des gommes, de la casse, du baume, de l’aloès, du café et d’autres marchandises. Ses vaisseaux fréquentaient aussi les autres ports de l’Arabie, tels que Aden, Mascatte et Bassorah. Le commerce des Hollandais s’étendait jusqu’à Ispahan. Ils ne payaient au roi de Perse aucun droit d’entrée ni de sortie ; la compagnie était seulement obligée de prendre tous les ans à Gameron, ville située sur le sol persique, une certaine quantité de balles de soie à un prix réglé. Elle tirait de la Perse des étoffes d’or et d’argent, des tapis d’une beauté incomparable, et aussi des laines de Caramanie, des perles, des turquoises. Le royaume de Pégu lui fournissait de la laque, de l’or, de l’argent, du rubis, des saphirs. Elle avait un comptoir à Siam, où elle entretenait quelques commis. Là elle trouvait abondamment du riz, des dents d’éléphant, de l’étain, du plomb, des bois précieux, des peaux de cerf, beaucoup d’or et de très belles porcelaines. Un traité de commerce conclu avec le Japon lui assurait le commerce exclusif avec cet empire. La compagnie faisait des échanges très avantageux avec la Chine ; elle en rapportait de la soie, des toiles de coton, du chanvre, du très beau marbre, du thé, du sucre, du musc, et des ouvrages d’un art inimitable. Quand on embrasse d’un coup d’œil ce vaste mouvement commercial, quand on se figure ces vaisseaux faisant pénétrer jusqu’à l’extrême Orient les merveilles de l’industrie européenne et en rapportant toutes les richesses de la nature, quand on se dit que cette prospérité incommensurable était sortie d’un marais, d’un pauvre village de pêcheurs (tel était Amsterdam à l’origine), on a une grande idée de ce petit