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esprit, mais une vraie puissance de découverte qui a jeté les bases de la science réelle. Si elle a élevé d’immenses monumens, temples, palais, pyramides, obélisques, sphynx, il faut reconnaître dans ces structures grandioses le sentiment d’un art primordial sans doute, mais d’un art qui ne manque ni de grandeur, ni de beauté, ni d’effet. Si elle a Osiris, Isis, et leur cortège d’innombrables divinités, il ne faut pas l’accuser d’avoir l’instinct religieux peu développé, car son polythéisme, dans le caractère fondamental, n’a rien qui tranche sur celui des Sémites Tyriens ou des Hellènes Ariens. Les différences sont donc malaisées à saisir entre les Chamites, les Sémites et les Ariens. La plus essentielle gît toujours, jusqu’à présent du moins, dans la langue.

En parlant ainsi, en indiquant combien les Chamites, les Sémites et les Ariens sont près les uns des autres, en demandant qu’on cherche à une plus grande profondeur les caractères qui les marquent, je ne prétends aucunement écarter de l’histoire la considération des races, Il y a eu certainement, à l’origine, des races qui ont été plus aptes que les autres à agrandir le champ de la vie et à trouver les élémens de la civilisation. Puis dans ces races se sont développés les essaims ou peuples qui à leur tour, bien qu’issus de la même mère et nourris du même lait, ont montré des dispositions très différentes ; je l’ai déjà dit, jusqu’à l’invasion romaine, ni les Celtes, ni les Germains n’avaient encore rien ajouté à l’héritage commun de l’humanité, et depuis bien des siècles les Indiens, n’y ajoutent plus rien. Enfin, comme les races ont surgi dans le genre humain, comme les peuples ont surgi dans les races, de même au sein de chaque peuple surgissent les hommes de génie, qui jettent dans la masse les semences du développement. Ainsi s’est formé et se forme le trésor de nos acquisitions matérielles, morales et intellectuelles.

Mais après cet aperçu il ne faudrait pas se méprendre ni considérer un classement des races comme une théorie de l’évolution historique. Sans doute on peut, on doit dire avec M. Renan, que, si les races inférieures avaient seules paru sur la terre, les résultats supérieurs de la civilisation n’auraient point paru non plus. La série eût été plus courte, mais elle n’en offrirait pas moins un enchaînement analogue pour toute cette portion commune aux races inférieures et aux races supérieures. Celles-ci ont commencé, ont marché comme celles-là ; seulement elles ont cheminé plus vite et ont atteint des hauteurs, où les autres ne sauraient arriver par elles-mêmes. La race procède comme l’individu, et s’il est impossible de soutenir que l’homme du plus vaste génie n’a pas traversé les phases de la débilité intellectuelle qui est propre à l’enfance, il est impossible de dire que les races supérieures n’ont pas eu, comme les autres, une enfance