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inhérentes à une race ou des impressions données par les lieux habités. Nous n’avons là rien de primitif ; bien au contraire, nous avons un résultat de conceptions profondes et abstraites et de méditations sur l’ensemble des choses et sur la destinée humaine. Tout y porte le caractère, non d’une religion remontant aux premières inspirations, mais d’une religion nouvelle qui se fait place dans le monde. Les traditions égyptiennes qui nous ont été transmises par Manethon et d’autres, non moins que les récits bibliques, nous représentent ce grand événement comme un déchirement, comme le point de départ d’hostilités réciproques entre les croyances anciennes, qui se sentaient méprisées, et la croyance nouvelle, qui eut constamment, même aux jours du plus grand abaissement, conscience de sa supériorité.

Ainsi écarté de l’opinion de M. Renan, qui rattache le monothéisme à l’origine de l’humanité, au moins par une des familles humaines, je reviens à celle qui le regarde comme précédé naturellement par le polythéisme et comme né du développement historique des sociétés et de leurs croyances. Sans doute, à une aussi haute antiquité, bien des traces sont effacées, bien des documens ont disparu, qui rendraient plus faciles l’interprétation des faits et l’enchaînement des idées ; mais peut-être l’obstacle serait-il insurmontable, peut-être serait-on réduit à des considérations indirectes suggérées par les linéamens généraux du développement social, linéamens qui assujettissent les périodes mal connues comme les périodes bien connues à la loi de filiation et de gradation, si les annales des temps reculés ne présentaient des mutations religieuses qui sont congénères. Or dans toute science (et l’histoire, je ne cesserai de le répéter, est, non pas une érudition qui recherche et enregistre les choses particulières, mais une science qui a, comme les autres, ses généralités et ses lois), un fait, quand il est rapproché de faits semblables, a, par le rapprochement seul, reçu un commencement d’explication effective.

À une époque mal déterminée, mais certainement très ancienne, il y a eu, chez un peuple de race arienne, une révolution religieuse qui a joué un rôle considérable. Le magisme a régné pendant des siècles sur les Perses et sur la plupart des nations voisines ; il a communiqué aux Hébreux quelques-unes de ses conceptions ; il a inspiré, au commencement du christianisme, la célèbre hérésie de Manès ; enfin, persécuté à outrance comme une idolâtrie par les musulmans vainqueurs, il a disparu du pays des Sassanides, sans pouvoir cependant être anéanti d’une façon complète. Quelques fugitifs ont emporté dans l’Inde leur foi, et, sous le nom de guèbres, leurs descendans y suivent encore le culte de leurs aïeux. Zoroastre fut le promoteur de ce grand mouvement, le législateur de cette nouvelle