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de la Genèse, il faut avouer que tout nous ramène à la région de l’Imaüs, où les plus solides inductions placent le berceau de la race arienne. Là se trouvent, comme dans le paradis de la Genèse, de l’or, des pierres précieuses. Ce point est peut-être celui du monde où l’on peut dire avec le plus de vérité que quatre fleuves sortent d’une même source : quatre immenses courans d’eau, l’Indus, l’Helvend, l’Oxus, le Jaxarte s’en échappent et se répandent de là vers les directions les plus opposées. De fortes raisons invitent à identifier le Phison avec le cours supérieur de l’Indus, et le Gihon est probablement l’Oxus. » Puis, rapprochant quelques mythes qui semblent communs entre les Sémites et les Ariens, il résume avec une clarté ingénieuse son idée en ces mots : « On pourrait comparer les relations primitives des Sémites et des Ariens à celles de deux jumeaux qui auraient grandi à une petite distance l’un de l’autre, puis se seraient séparés tout à fait, vers l’âge de quatre ou cinq ans. En se retrouvant dans leur âge mûr, ils seraient comme étrangers entre eux, et ne porteraient guère d’autre signe de parenté que des analogies imperceptibles dans le langage, quelques idées communes, telles que le souvenir de certaines localités, et, par-dessus tout, un air de famille dans leurs aptitudes essentielles et leurs traits extérieurs. »

Ces inductions, M. Renan les admet avec toute la réserve que naturellement elles comportent ; il ne les suit que comme des lueurs projetées dans les ténèbres infinies du temps qui a précédé l’histoire. Moi aussi, je les accepterais comme telles, je m’en aiderais comme d’une hypothèse qui, conduisant les recherches en une voie déterminée, doit à la longue rencontrer ce qui la vérifie ou l’annule, si elles ne me paraissaient pas en contradiction avec un fait qui ne permet pas de s’y fier, et qui porte la pensée vers un autre aperçu.

Ce fait, à ma connaissance, n’a point été signalé ; mais il mérite d’être utilisé dans la question, car il touche à la doctrine du langage. Le voici. Quand on examine avec soin la distribution des peuples, on n’en trouve pas qui, ayant même séjour primordial et même race, parlent une langue essentiellement différente les uns des autres : un voisinage de siège primitif est accompagné d’une similitude primitive dans le parler. En effet, quelque idée qu’on se fasse de l’origine du langage, il résulte toujours de deux élémens, les aptitudes de l’esprit humain et le spectacle extérieur. Ces deux élémens sont variables : le premier change suivant les races, le second suivant les localités. Il en résulte que deux groupes d’hommes appartenant à une même race et habitant un même lieu ne peuvent pas avoir un langage de caractère dissemblable, puisque l’aptitude qui perçoit les impressions et les impressions qui mettent en jeu l’aptitude