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à tous ces idiomes, mais encore la grammaire est fondamentalement la même ; l’esprit, ce qui prouve mieux que tout le reste la consanguinité de ces peuples, y a suivi la même marche pour exprimer les rapports des mots. Cette analyse délicate fut servie grandement par une circonstance particulière : le sanscrit est de toutes les langues ariennes celle qui porte le caractère le plus ancien et les plus visibles traces des procédés primitifs. Ce que M. Renan a dit de l’hébreu, qu’il est le type le plus parfait des idiomes sémitiques, en ce sens qu’il nous a conservé des traits de la physionomie primordiale que le temps a effacés dans les langues congénères, on peut le dire du sanscrit ; la raison des mots y paraît mieux à nu. Ainsi guidé, le scalpel du grammairien a pu pénétrer fort avant et résoudre en leurs vrais élémens bien des formes sans risquer de couper des parties véritablement homogènes. Le radical fut séparé des terminaisons, le sens des terminaisons fut assigné, et tout l’ingénieux mécanisme des langues ariennes, malgré sa complication, fut découvert. Là ne s’arrêta pas le succès des recherches où l’on était entré. Un érudit doué d’une sagacité merveilleuse, et qui a été inventeur en tout ce qu’il a touché, Eugène Burnouf, imagina de se servir des affinités du sanscrit pour interpréter le zend, idiome dans lequel est écrit ce qui reste des livres de Zoroastre. Cette langue, qui était jusqu’alors une lettre close, ces livres, que les prêtres des Guèbres n’entendaient pas, et dont ils n’ont que des traductions fautives, s’ouvrirent par cette clé. Enfin, continuant le cours de ses divinations, Burnouf supposa que le zend ou du moins une langue très analogue devait être cachée sous les inscriptions cunéiformes de Persépolis ; l’heureuse supposition se trouva vraie, le déchiffrement fut conduit avec une incomparable habileté, et l’érudit satisfait put expliquer et traduire les inscriptions tumulaires de Darius et de Xercès, dernière preuve, s’il en avait fallu, de l’étroite parenté des langues ariennes.

Ayant ainsi deux grandes familles d’idiomes, les sémitiques et les ariens, il fut naturel de les comparer et d’essayer si ce qui avait réussi respectivement dans le domaine de chacun réussirait de même en passant de l’un à l’autre. L’essai a été fait avec toute la diligence qu’inspirait un si curieux sujet, avec toutes les ressources que fournissait la linguistique moderne, si exercée et si habile ; mais les efforts ont été vains, et il a été tout à fait impossible de ramener à une souche commune ces deux systèmes. Là s’est présentée, sur un autre terrain, la difficulté que, de son côté, la biologie a rencontrée. Les hommes blancs, noirs, jaunes, rouges et tant de races intermédiaires proviennent-ils d’un seul tronc ? On peut dire maintenant que les recherches ont été impuissantes à faire voir par quels moyens, par quelles influences, par quels climats, en un mot par quelles voies physiologiques les uns auraient donné naissance aux