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humaine. Plus on examinera le vers de Virgile, plus on verra qu’un grand peuple et un grand homme ont d’évidentes analogies.

Les Ariens forment une famille de nations non moins illustres que les Sémites. Leurs rivaux dans la haute antiquité, ils sont même devenus, dans l’âge moderne, supérieurs, et ont pris la direction de tout le mouvement social. Sortis, selon les vraisemblances, du plateau central de la Haute-Asie à une époque qui dépasse l’histoire, on les trouve, sitôt que les documens commencent à naître, occupant, sous les noms d’Indiens, de Perses, de Thraces, de Grecs, de Latins, de Scythes ou Slaves, de Germains et de Celtes, une zone immense qui s’étend depuis les bords du Gange jusqu’à la Grande-Bretagne. La fortune de ces populations a été très diverse et l’est encore : les Indiens, arrivés à tout le développement que comportent le régime des castes et le polythéisme, sont depuis des siècles arrêtés sur un seuil qu’ils n’ont pu franchir. Les Perses, fondateurs d’un grand empire, disciples de Zoroastre, sont tombés sous le joug des Musulmans et languissent dans l’impuissance et le désordre. Les Grecs ont éclairé le monde de l’éternelle lumière de la philosophie et de la science, et y ont jeté des types immortels de beauté qui le charment et l’inspirent. Les Latins, assez bien doués pour se soumettre à toute la doctrine des Hellènes, ont, d’un bras de fer, associé les populations civilisées et en ont fait un corps politique opposé à la barbarie. Les Celtes se sont laissé latiniser et incorporer. Les Germains, plus sauvages, ont menacé un moment l’existence de cet admirable organisme ; mais eux aussi n’ont pas tardé à courber la tête sous l’Occident, qui depuis lors est devenu irrésistible. Enfin les Slaves, frères arriérés, commencent à ressentir puissamment l’attrait de la civilisation occidentale.

Une famille de peuples dispersés sur une aussi vaste étendue et présentant de telles différences n’aurait pas été reconnue (car où serait le signe ?), s’ils n’avaient aussi formé une famille de langues. Longtemps la consanguinité a été ignorée ; mais, soutenue par le développement général dans l’âge moderne, l’érudition aborda ce difficile problème, et elle fut singulièrement secondée par un événement philologique, à savoir la découverte du sanscrit. Le peu qu’on savait de l’antique histoire de l’Inde n’avait autorisé personne à supposer que la langue sacrée des Indiens, mère de la plupart des idiomes modernes qui se parlent dans cette vaste péninsule, eût le moindre rapport avec les idiomes occidentaux. Aussi ce fut avec un vif étonnement, quand les livres des brahmes vinrent à la connaissance de l’Europe, que l’on aperçut d’incontestables ressemblances avec le grec, avec le latin, avec l’allemand, avec le persan. La curiosité scientifique une fois éveillée, non-seulement en détermina un très grand nombre de radicaux essentiels qui se trouvent communs