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conquêtes ; ils ont créé une religion qui, après avoir suivi la fortune de leurs armes et s’être étendue ou avoir reculé suivant la chance de la guerre, à perdu, il est vrai, depuis longtemps toute force expansive du côté de l’Occident, mais n’en exerce pas moins encore aujourd’hui un prosélytisme actif vers l’intérieur de l’Afrique. Il a été un temps, la première période du moyen âge, où, les Occidentaux n’ayant plus du grec qu’une connaissance petite et par intermédiaire, les Arabes, qui s’étaient fait traduire les principaux livres de science, eurent une prééminence, si bien que ce fut une révolution dans les écoles latines quand les livres arabes, traduits à leur tour, y apparurent. Les Tyriens ont été le peuple navigateur par excellence dans l’antiquité ; ils ont jeté de nombreuses colonies sur toutes les côtes fréquentées par leurs vaisseaux ; Carthage, une des villes fondées par eux, a disputé l’empire du monde à Rome, et, ce qui est plus que les plus grandes conquêtes, ils ont découvert l’écriture alphabétique (s’il faut en croire l’antiquité, qui tout d’une voix leur accorde cet honneur). Enfin les Hébreux, peuple qui n’eut pas un caractère militaire très marqué, bien qu’on ne puisse assez admirer l’indomptable courage avec lequel ils défendirent Jérusalem contre les Romains, ainsi que leur lutte victorieuse contre les Grecs de Syrie, ont les premiers inauguré le monothéisme parmi les nations, monothéisme d’où sont sortis le christianisme d’abord, puis le mahométisme. C’est chez eux qu’est née la Bible, livre duquel, indépendamment de l’intérêt religieux qu’il a pour les Juifs et les chrétiens, indépendamment des documens inappréciables qu’y trouve l’historien, on doit dire avec M. Renan : « Si nous envisageons dans son ensemble le développement de l’esprit hébreu, nous sommes frappés de ce haut caractère de perfection absolue qui donne à ses œuvres le droit d’être regardées comme classiques, au même sens que les productions de la Grèce, de Rome et des peuples latins. Seul entre tous les peuples d’Orient, Israël a eu le don d’écrire pour le monde entier. Les autres littératures de l’Orient ne sauraient être lues et appréciées que des savans ; la littérature hébraïque est la Bible, le livre par excellence, la lecture universelle ; des millions d’hommes, répandus sur le monde entier, ne connaissent pas d’autre poésie. Il faut faire sans doute, dans cette étonnante destinée, la part des révolutions religieuses, qui, depuis le XVIe siècle surtout, ont fait envisager les livres hébreux comme la source de toute révélation ; mais on peut affirmer que, si ces livres n’avaient pas renfermé quelque chose de profondément universel, ils ne fussent jamais arrivés à cette fortune. Israël eut, comme la Grèce, le don de dégager parfaitement son idée, de l’exprimer dans un cadre réduit et achevé ; la proportion, la mesure, le goût, furent en Orient le privilège exclusif du peuple hébreu, et c’est par là qu’il réussit à donner à la