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représenter les intérêts des classes commerçantes et industrielles ; mais en faisant dépendre la qualité d’électeur de l’habitation produisant un certain revenu, il a peut-être été trop exclusif, et il pourrait gagner à être élargi. Les nouveaux moyens d’emploi du capital, qui, il y a vingt-cinq ans, n’étaient pas connus, ou dont il n’était fait qu’un insuffisant usage, devraient aujourd’hui servir à déterminer les présomptions de la loi : pour que la loi garde son point d’appui, il faut qu’elle soit en permanent accord avec l’état de la société. C’est dans cette vue qu’il conviendrait d’étendre, sous la condition d’un revenu plus ou moins élevé, à certains placemens, dont l’intérêt donnerait toute garantie de fixité, le privilège dont l’habitation seule a joui jusqu’ici. Le droit de suffrage serait ainsi attribué à un grand nombre d’électeurs nouveaux appartenant aux professions libérales, ou même aux professions manuelles, et qui donneraient autant de garanties que les électeurs d’aujourd’hui. Cette adjonction pourrait même se concilier avec l’exclusion des électeurs qui font partie des classes inférieures, et dont l’acte de réforme a réservé les droits au détriment plutôt qu’à l’avantage des élections. La condition d’un placement d’argent serait demandée dans la mesure de leurs moyens, et quand ils n’y pourraient pas satisfaire, il serait reconnu qu’ils n’ont aucun des titres nécessaires à l’exercice du pouvoir politique. Une telle réforme donnerait au corps électoral des bourgs une nouvelle force par les électeurs qu’elle y ferait entrer et par les électeurs qu’elle en ferait sortir. Le droit de suffrage ne serait pas un cadeau. attribué aux premiers venus, il resterait au contraire comme une récompense accordée à ceux qui paraîtraient l’avoir méritée. Les nouveau-venus auxquels on ouvrirait les rangs des électeurs ne seraient pas destinés à y jeter le désordre et la confusion ; placés dans la même condition sociale que les électeurs d’aujourd’hui, ils ne feraient que partager la même communauté d’intérêts. L’unité du corps électoral des bourgs ne serait pas atteinte, mais seulement complétée[1].

La part plus étendue faite à la propriété sous ses différentes formes, telle est la condition nécessaire de la forte constitution du pouvoir électoral dans les comtés et dans les bourgs ; mais elle pourrait encore ne pas assurer pour une part suffisante la représentation de toutes les forces de la nation. Aussi dans le projet de remaniement de l’acte de 1832 y aura-t-il lieu de réserver à d’autres intérêts qu’à ceux de la propriété une place qui n’est peut-être pas assez large, ou qui même fait défaut.

La participation spéciale des classes lettrées au gouvernement

  1. « L’attribution du droit de suffrage aux propriétaires de livrets de caisse d’épargne pour une valeur de 30 livres donnerait environ 100,000 électeurs nouveaux, et si la valeur requise était de 80 livres au lieu de 30 livres, ou pourrait encore compter 60,000 électeurs qui en profiteraient. » [Revue d’Edimbourg, octobre 1853.)