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genre émanés de la chancellerie russe, il est habile et savamment calculé pour produire tout son effet. C’est un résumé complet des dissentimens qui ont surgi et des travaux de délimitation. Le bon droit et la modération de la Russie sont mis, on le conçoit, dans un jour éclatant. Voilà le mémorandum. Ce n’est point un motif sans doute pour se laisser envelopper dans les replis de cette subtile diplomatie, et pour laisser s’affaiblir, à la faveur d’une obscurité, la vertu des stipulations qui ont été adoptées ; mais comment pourrait-on sérieusement s’étonner que la Russie s’arme de tous les prétextes et cherche à reculer le moins possible ? La conférence qui va se réunir aura du moins l’avantage de faire disparaître ces difficultés, plus bruyantes que la guerre elle-même, et qui cachent la véritable, la seule question peut-être. L’Europe a eu la pensée, cela n’est point douteux, d’arrêter la marche de la Russie vers l’Orient. À ce point de vue, la position de Bolgrad peut avoir son importance, et la diplomatie européenne aura raison de la défendre. Il y aurait cependant une combinaison d’une efficacité bien autrement sérieuse : ce serait l’organisation définitive des principautés, organisation ajournée jusqu’ici, et qui ne peut se réaliser tant que les troupes étrangères seront sur le Bas-Danube. L’Autriche et l’Angleterre peuvent trouver dans cette œuvre à employer leur zèle ; elles auront certainement la France pour complice et les efforts de tous les gouvernemens ne seront pas de trop pour asseoir un état vigoureux comme la barrière la plus sûre et la plus forte contre les envahissemens possibles des tsars. On ne saurait oublier la gravité et l’urgence même de cette question en présence de la réunion prochaine de la conférence appelée à résoudre les difficultés qui pèsent encore sur la paix générale du continent.

Mais, en même temps qu’elle est appelée à effacer les derniers vestiges de la guerre et des mésintelligences qui l’ont suivie, la conférence évoquera-t-elle quelques-unes de ces questions qui s’agitent aujourd’hui en Europe ? Aura-t-elle à s’occuper encore des affaires d’Italie ? abordera-t-elle aussi cette affaire de Neuchâtel, que les plénipotentiaires prussiens essayèrent un moment d’introduire dans le congrès de Paris, et qui a pris depuis un caractère nouveau de gravité ? Tout indique que les pouvoirs de la conférence seront plus limités, et se borneront à l’objet unique qui motive la réunion des plénipotentiaires européens. C’est vraisemblablement sous une autre forme et dans d’autres conditions que la diplomatie aura à s’occuper de ces difficultés qui subsistent toujours. Malheureusement en effet, même après les efforts tentés par la France et l’Angleterre pour amener quelque amélioration au-delà des Alpes, les affaires de l’Italie ne cessent point d’être un des notables embarras de ce temps, parce qu’en définitive la question italienne est une de ces questions qui ne se résolvent pas aisément. L’Italie offre du reste aujourd’hui une certaine variété d’incidens et d’aspects. Au nord de la péninsule, l’empereur d’Autriche se fraie en quelque sorte un chemin dans son voyage par des actes de bienvenue. Il a rendu un décret d’amnistie en faveur d’un assez grand nombre de condamnés politiques. Il a levé le séquestre qui pesait depuis trois ans sur les biens des émigrés lombards. L’empereur François-Joseph est allé d’abord à Trieste, il a visité Venise, où il s’est arrêté quelques jours, et il se rend à Milan. Il ne s’attend pas apparemment à de bruyantes et chaleureuses démonstrations des popu-