Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/904

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même ouvrage, dû à l’inventeur des logarithmes, Napier, c’est Gog qui représente le pape. Les protestans n’ont été que trop portés à supposer que les livres saints, fondemens du christianisme, avaient anathématisé d’avance le christianisme sous la forme principale qu’il a conservée pendant quinze siècles, et qui domine encore dans plus de la moitié de l’Europe et de l’Amérique.

Sans insister sur les autres ouvrages théologiques de Newton que sir David Brewster a exhumés[1], ajoutons seulement que toutes les sectes du protestantisme, les trinitairiens comme les sociniens, les ariens, les humanitairiens, les antitrinitairiens, ont revendiqué son nom. Au XVIIIe siècle, on le croyait philosophe à la manière de tous les savans du temps. Ses biographes n’ont jamais parlé de lui froidement, et comme il fallait toujours qu’il fût parfait, dans chaque biographie il pensait comme l’auteur. Ce fut pendant longtemps le cas de M. Brewster, qui convient aujourd’hui qu’en professant le culte de l’église établie, Newton pouvait avoir sur la Trinité les opinions de Clarke, son disciple et son ami.


IX

Les dernières années de la vie de Newton, comme sa jeunesse, furent moins agitées que son âge mûr. Leibnitz était mort en 1716, et avec lui avait disparu le plus redoutable adversaire de la gravitation et de la philosophie anglaise. Quoique l’éloge de Leibnitz par Fontenelle eût peu satisfait la Société royale et n’eût pas entièrement confirmé son jugement sur le calcul différentiel, pourtant Newton l’était traité avec respect, et son ombrageuse susceptibilité dut à peine s’offenser. Bernouilli même, qui, dans la querelle des fluxions, avait joué un rôle un peu ridicule, tenta de se réconcilier avec l’auteur des Principes et lui demanda son portrait. Newton consentit à la réconciliation, mais refusa le portrait en écrivant à l’abbé Varignon : « De Moivre me dit que Bernouilli veut avoir mon portrait, mais il n’a pas encore reconnu publiquement que je possédais la méthode des fluxions dès 1672, comme on l’avoue dans l’Éloge de Leibnitz publié dans l’Histoire de votre académie. Il n’a pas encore reconnu que j’ai donné dans la première proposition du livre des Quadratures, que Wallis a publié en 1693, et démontré synthétiquement

  1. Les principaux de ces ouvrages sont : Paradoxal questions concerning Athanasius and his followers. — A Short sheme of the true religion. — On our religion to God, to Christ and the Church. — Irenicum, or Ecclesiastical Polity tending to Peace, etc. On peut voir une analyse et des extraits de tous ces traités dans les Memoirs of sir Isaac, chap. XXIV. Quelques-uns même sont imprimés en entier à la fin du volume [Appendix, n° XXIX et XXX).