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moins mystérieuse que les forces d’inertie ou d’impénétrabilité. Il va plus loin ; il l’accuse d’impiété, de matérialisme, et lui attribue le de clin des croyances religieuses en Angleterre, où, dit-il, la religion naturelle même perd chaque jour des adhérens. Heureusement Newton était bien vu de la princesse de Galles, qui lui permit de se justifier, ce qu’il entreprit de concert avec Clarke. C’était assurément sortir de la question.

En un mot, cette controverse, quoique tous les mathématiciens du temps, Bernouilli, Montmort, Conti, Wolf, Fatio, etc., y aient pris part, n’est très honorable pour personne. La violence, l’injustice et la mauvaise foi s’y montrent des deux parts. Newton même finit par faire un changement important au livre des Principes. Dans les deux premières éditions, il reconnaissait l’indépendance des droits de Leibnitz à l’invention du calcul différentiel ; dans la troisième, il ne parla plus que de lui-même. Au fond pourtant, qui avait raison ? Tous deux sans doute. Leurs découvertes se ressemblent, mais rien ne prouve que toutes deux ne soient pas originales. Les problèmes que résolvent leurs calculs préoccupaient depuis longtemps les mathématiciens. Dans le siècle précèdent, Cavalleri, Fermat, Pascal, Descartes, avaient perfectionné cette partie des mathématiques et préparé, on pourrait presque dire rendu nécessaire, l’invention du calcul différentiel. Newton et Leibnitz, par des procédés divers, sont arrivés au même résultat, sans qu’il soit nécessaire de croire qu’aucun des deux ait copié l’autre. Les faits de ce genre ne sont pas rares dans l’histoire de la science, et l’on sait qu’à la fin du siècle dernier trois chimistes de nations différentes, Scheele, Priestley et Lavoisier, découvrirent simultanément les bases de la chimie moderne. Newton est certainement le premier inventeur du calcul ; mais Leibnitz l’a publié le premier, et l’opinion la plus générale est qu’il ne connaissait pas la méthode des fluxions. Tous deux méritent donc une gloire égale, et Fontenelle est injuste pour Leibnitz en le comparant à Prométhée, qui déroba le feu aux dieux pour en faire part aux hommes.


VII

En 1695, Charles Montague, plus tard lord Halifax, était chance lier de l’échiquier. Depuis la restauration, aucune grande réforme n’avait été faite dans les établissemens publics. L’administration de ; la monnaie surtout était pleine d’abus et de fraudes, cortège ordinaire