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Si Newton n’avait eu pourtant que sa gloire législative, ce nom serait oubliée On raconte qu’il n’a ouvert la bouche à la chambre des communes que pour demander qu’on fermât une fenêtre : cela n’est peut-être pas tout à fait exact ; mais il est certain qu’il ne montra guère que de bonnes intentions et une certaine capacité pour les affaires. Il fut dans l’assemblée un membre plutôt utile que brillant, Une grande timidité et peu de facilité à parler en public expliquent son long silence Laplace le loue de son libéralisme et de sa conduite au parlement, mais en pareille matière Laplace n’était pas difficile. Le seul résultat de la nomination et du voyage de Newton à Londres est qu’il t fit connaissance avec Locke et Christian Huyghens, qu’il rencontra chez lord Pembroke. En même temps, il se lia davantage avec Charles Montague, plus tard lord Halifax. Après la session, il revint à Cambridge, où il s’occupa surtout de chimie. La recherche de la pierre philosophale n’avait pas cessé d’être en grande faveur, et lady Mary Wortley Montague disait que le fanatisme en alchimie avait suc cédé au fanatisme en religion : ils coexistaient pourtant fort bien tous les deux. La possibilité de la transmutation n’était alors niée par personne, et l’on a vu, par la lettre de Newton à Francis Aston[1], que les plus sages pouvaient admettre les plus folles idées dès qu’il s’agissait de cette opération et des mystérieux opérateurs. L’opinion de la transformation possible d’un métal en un autre paraissait absurde Il y a cinquante ans, et l’était en effet, car elle ne pouvait être appuyée sur aucune raison vraiment scientifique. Aujourd’hui elle devient plus vraisemblable, car on a décomposé bien des corps qui semblaient simples, et dans la science chaque jour les impossibilités sont moins nombreuses. Quoi qu’il en soit, aux XVIe et XVIIe siècles, savans et philosophes travaillaient de leur mieux au grand œuvre, et les alchimistes anglais enviaient les Hollandais, qui, pensaient-ils, avaient réussi, tandis que les derniers cherchaient les procédés qu’avaient employés avec succès les Italiens. Chacun croyait son voisin plus habile ou plus heureux. Leibnitz était secrétaire de la société des rosecroix de Nuremberg, association secrète pour la fabrication de l’or. Un des savans anglais les plus remarquables, Boyle, avait donné à Locke et à Newton une recette et une poudre indispensables au grand œuvre. Newton, revenu à Cambridge, s’enferma dans son laboratoire, dont le feu restait allumé nuit et jour. Il tentait, par le procédé de Boyle, de changer en or du cuivre ou du mer cure, et l’on voit par ses lettres à Locke que, même à cette époque, il ne désespérait pas d’y réussir. On a aussi des extraits et des exemplaires annotés de sa main du Processus mysterii magni philosophicus,

  1. Voyez la livraison du 1er décembre.