Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/87

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore, derrière le fronton actuel, le fronton primitif appliqué sur le mur de la salle elle-même. On a été par là conduit à supposer qu’originairement le Panthéon était une salle des thermes d’Agrippa. Le portique aurait été ajouté quand Agrippa voulut faire de cette salle un temple. Quelques circonstances semblent favoriser cette opinion. Une salle ronde se trouve dans les thermes de Caracalla, placée exactement comme l’eût été, par rapport aux thermes d’Agrippa, celle qui serait devenue le Panthéon; une salle des thermes de Dioclétien, qui ressemble au Panthéon en miniature, est devenue l’église de Saint-Bernard. Cependant plusieurs objections se présentent : si le Panthéon était primitivement une salle de bains, pourquoi les niches et les édicules? A-t-on pu les ajouter après? D’autre part, Dion Cassius distingue le Panthéon des thermes. Ce qui me paraît le plus probable, c’est que le Panthéon fut toujours un temple et que le portique fut ajouté quand, Auguste ayant refusé que sa statue fût érigée à l’intérieur, Agrippa voulut se dédommager de sa flatterie manquée en élevant le portique, sous lequel la statue impériale devait être placée aussi magnifiquement que possible.

Un admirable tombeau de porphyre qu’on voit à Saint-Jean-de-Latran, où il sert de cénotaphe au pape Clément XII, passe pour avoir contenu les cendres d’Agrippa, parce que ce tombeau a été trouvé sous le portique du Panthéon; mais il est impossible qu’il ait eu cette destination, car on sait positivement que les restes d’Agrippa furent déposés, par ordre d’Auguste, dans son propre mausolée.

Si Agrippa ne montrait point dans ses rapports avec Auguste la rudesse empreinte sur ses traits et ne conservait rien pour son propre compte de l’austérité républicaine, il paraît avoir été fort exact dans l’application des lois pénétrées du vieil esprit républicain et qui tendaient à réprimer le luxe immodéré des funérailles. Nous le savons par une inscription trouvée près de la tombe pyramidale de Cestius. Cestius, riche particulier romain, avait prescrit par son testament qu’on enterrât avec lui des étoffes précieuses. Il avait nommé Agrippa son exécuteur testamentaire; mais l’édile, et c’était peut-être Agrippa lui-même, fit appliquer la loi qui interdisait ce faste sépulcral, et les héritiers employèrent la valeur des étoffes, dont l’emploi funéraire était prohibé, à élever au mort deux statues colossales. On croit qu’un pied de bronze conservé au Capitole appartenait à l’une de ces deux statues, dont les piédestaux ont été découverts auprès de la pyramide funèbre.

Cette pyramide, sauf les dimensions, est absolument semblable aux pyramides d’Egypte. Si l’on pouvait encore douter que celles-ci étaient des tombeaux, l’imitation des pyramides égyptiennes dans un tombeau romain serait un argument de plus pour prouver qu’elles