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Il avait commencé par le goût des courses du cirque. Enfant, il ne parlait d’autre chose ; dans les commencemens de son empire, il allait les voir en cachette. Il s’exerça d’abord dans ses jardins, probablement dans ces prairies, situées au bord du Tibre, qui avaient appartenu à son père Domitius, et qui, avant d’être les jardins de Néron, avaient été le champ de Cincinnatus. Après avoir répété sous les yeux de ses esclaves et de la dernière populace, il débuta devant le public, dans le grand cirque ; un affranchi tenait la place du magistrat qui ordinairement, donnait le signal.

Néron rêva aussi les succès du gladiateur. Il avait imaginé de venir nu dans l’arène étouffer un lion dans ses bras ; mais cet exploit avait son danger, il y, renonça et se contenta de voir combattre. Il Avait, comme Caligula, fait construire un amphithéâtre en bois. Néron n’y fit mettre à mort aucun criminel, mais il l’exposa au fer des gladiateurs quatre cents sénateurs et six cents chevaliers romains. On le vit encore figurer dans le cirque commencé par Caligula, de l’autre côté du Tibre, au pied de cette colline vaticane dont le nom s’est attaché dans les temps modernes à une si grande chose, et qui n’est citée par les auteurs latins que pour son mauvais vin. Le vaticanum était le Suresnes de Rome. Caligula avait établi son cirque à l’extrémité des jardins de sa mère Agrippine, qui venaient jusqu’au bord du Tibre, et où un jour, en se promenant, comme nous l’apprend Sénèque, il fit égorger aux flambeaux un certain nombre de personnages consulaires, de sénateurs et de dames romaines. Néron devait imaginer mieux : il devait, près de là, faire servir des corps humains à l’éclairer, barbarie plus atroce et plus ingénieuse ; la première était d’une bête féroce, la seconde d’un dilettante, toujours occupé à varier, par des raffinemens étranges, ses cruelles voluptés. Une partie de la place et de l’église de Saint-Pierre occupe l’emplacement du cirque de Néron et de Caligula. L’obélisque qui se dresse au milieu de cette place, entre les deux grandes fontaines, s’élevait non loin de là, dans le cirque dont il formait la meta. Claude l’y avait fait apporter d’Égypte. C’est dans ce cirque, en partie son ouvrage, que Néron faisait servir les chrétiens de flambeaux vivans, et c’est la que s’élève aujourd’hui la plus grande église chrétienne du monde. Néron, l’ennemi du genre humain, devait attacher son nom à la première persécution des chrétiens. Cette persécution est attestée par Suétone en des termes qui ne permettent pas de croire à une interpolation : « Il livra aux supplices les chrétiens, espèce d’hommes adonnés à une superstition nouvelle et malfaisante. « Ces deux accusations adressées au christianisme sont bien d’un auteur païen. Tout ce qui est nouveau passe d’abord pour dangereux, et l’est en effet à ce qui est vieux et doit périr. On a dit avec raison que l’intolérance