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cepter l’hommage idolâtre de son gendre, il permit seulement qu’on plaçât sous le portique sa statue et celle d’Agrippa lui-même. J’ai remarqué ailleurs[1] avec quelle étourderie un poète érotique du XVIIIe siècle, Bertin, a dit :

…… Et ce beau Panthéon
Où semble errer encor l’ombre d’un peuple libre.


Sans doute sous Auguste le peuple romain était l’ombre d’un peuple libre ; mais le Panthéon ne saurait rappeler, comme semble l’entendre le poète, aucun souvenir de liberté : il rappelle au contraire, on vient de le voir, une flatterie si basse qu’elle ne peut être acceptée.

Seul à Rome, le Panthéon donne au voyageur le plaisir de contempler un édifice antique entièrement intact, sauf les ornemens en bronze, pillés tour à tour par un empereur de Constantinople, Constant II, et par un pape, Urbain VIII. Ce dernier s’est chargé de rappeler dans une inscription à la postérité, comme si elle pouvait l’oublier, qu’il avait commis cette barbarie non-seulement pour élever avec les dépouilles du Panthéon le baldaquin de Saint-Pierre, mais encore, ce qu’on sait moins, pour fondre des canons. A cela près, l’intérieur du Panthéon, comme l’extérieur, est parfaitement conservé, et les édicules placés dans le pourtour du temple forment les chapelles de l’église. Jamais la simplicité ne fut alliée à la grandeur dans une plus heureuse harmonie. Le jour, tombant d’en haut et glissant le long des colonnes et des parois de marbre, porte dans l’âme un sentiment de tranquillité sublime. Vue du dehors, la coupole métallique fait bien comprendre l’expression de Virgile, qui l’avait sous les yeux et peut-être en vue quand il écrivait :

….. Media testudine templi.


En effet, cette coupole surbaissée ressemble tout à fait à la carapace d’une tortue.

Au dehors, le portique, avec ses belles colonnes de granit à bases et à chapiteaux de marbre, est d’un grand style. L’aspect en serait encore plus imposant, si l’élévation du sol n’avait fait disparaître les vingt et une marches par lesquelles on montait au temple, qui gagnerait à être vu de plus bas. Ce n’est pas l’architecture grecque, car c’est le corinthien romain, et l’angle du fronton est plus aigu que ne le serait celui d’un fronton grec; mais c’est l’architecture romaine dans toute sa majesté. Il est évident que la salle ronde existait avant le portique et que celui-ci a été ajouté après coup. On voit

  1. Portraits de Rome à différens âges. — Revue des Deux Mondes, 1er, 15 juin et 1er juillet 1835.