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en or qu’il avait placée dans son propre temple, et qu’il habillait chaque jour d’un vêtement pareil à celui qu’il portait lui-même., Étrange idée qui ne ressemble à rien, si ce n’est à cet usage bizarre des anciens Mexicains, lesquels, quand le roi était malade, plaçaient sur la face de leurs idoles un masque en pierre ressemblant à ce roi ! Du reste, un rapprochement avec des peuples qui immolaient des victimes humaines n’a rien de bien extraordinaire quand il s’agit de Caligula.

On voit à plusieurs de ses statues la caliga, cette espèce de chaussure militaire à laquelle il dut son surnom. Enfant des camps, le fils de Germanicus avait reçu de l’armée ce sobriquet guerrier et le conserva comme cette chaussure de soldat qu’il était indigne de porter, car il eut toujours une prétention, chez lui bien ridicule, au rôle de guerrier. Il fit une expédition en Germanie, mais son seul exploit fut d’attaquer quelques Germains de sa garde auxquels il avait fait passer le Rhin, et qu’il alla surprendre à la tête de sa cavalerie. Il est étonnant que le sénat ne lui ait pas à cette occasion décerné un arc de triomphe, mais l’empereur l’avait défendu.

Le mont Palatin est le lieu le plus historique de Rome. Nulle part on n’est mieux placé pour assister aux commencemens de la Rome des rois, à la naissance et aux accroissemens successifs de l’omnipotence des empereurs. Le Palatin a encore la forme carrée de la ville primitive (Roma quadrata), comme le jour où la charrue étrusque en fit le tour. Les restes assez considérables d’un mur que l’on voit en plusieurs endroits appliqués contre les flancs de la colline appartiennent aux remparts de cette antique Rome du Palatin, à la cité de Romulus[1].

Du haut du Palatin, on voit autour de soi les collines qui successivement furent réunies à ce premier noyau de la ville éternelle. Sur le mont lui-même et sans en sortir, on peut reconnaître le progrès de la grandeur et de la tyrannie impériales, progrès magnifique et funeste qui devait, non comme le premier, former une ville maîtresse du monde, mais par l’asservissement conduire cette ville à la ruine, et l’amener un jour les barbares, faire qu’à cette heure des étrangers, fils de ces barbares, y sont encore campés, et qu’on se promène

  1. Quand j’ai parlé dans ce recueil de la Rome des rois, je connaissais l’existence de ces curieux débris de maçonnerie étrusque très semblables à la muraille qu’élevèrent plus tard Servius Tullius et les Tarquins, et dont on a trouvé récemment deux grands morceaux sur le mont Aventin ; cependant le mur du Palatin ne peut avoir fait partie de l’enceinte de Servius, qui passait assez loin de là. Il est très certainement, selon moi, un reste de l’enceinte de la ville de Romulus, de celle qui était bornée au Palatin, et par conséquent le plus ancien monument de Rome. J’ose aujourd’hui énoncer cette opinion, qui dès-lors était la mienne, maintenant que les archéologues qui la combattaient d’abord ont fini par l’admettre.