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ce sont là des barrières redoutables, devant lesquelles les efforts des troupes anglaises auraient pu échouer pendant de longues années avec de grandes pertes de sang et d’argent. Le système de répression indiqué par l’humanité et la prudence, celui qui a été suivi en un mot, consiste à entourer les districts des Khonds d’une police vigilante chargée d’empêcher l’enlèvement des mérias dans les plaines, à surveiller sans relâche les mouvemens des individus de la caste des panwas engagés par tradition dans le trafic des victimes humaines, enfin à tâcher, par les efforts d’une diplomatie conciliante, d’amener les chefs à l’abolition volontaire et graduelle de l’horrible pratique. Un agent spécial, dont les pouvoirs ne relèvent que du gouvernement suprême de l’Inde, est chargé en ce moment de cette mission. Ses derniers rapports donnent lieu de croire que si la coutume des sacrifices humains est encore en vigueur parmi les Khonds, elle est entrée dans une période de déclin, et que l’action du temps, une intervention judicieuse dans les affaires des tribus parviendront à l’extirper complètement de leurs mœurs.

Les pratiques barbares des peuplades sauvages répandues dans les districts montagneux qui séparent les présidences du Bengale et de Madras ne s’arrêtent point malheureusement aux sacrifices humains. Un contact plus fréquent avec ces tribus révéla bientôt aux autorités anglaises que, dans une grande division de cette famille aborigène, prévalait la coutume de la mise à mort des enfans du sexe féminin avant le septième jour qui suit leur naissance. Les tribus chez lesquelles cette pratique d’infanticide est passée dans les mœurs n’offrent pas de sacrifices humains, quoique leur religion soit fondée sur les mêmes fictions mythologiques que celle j es autres Khonds. Adoptant le dogme de l’antagonisme des deux principes du bien et du mal représentés par le dieu Soleil et la déesse la Terre, ces tribus croient n’accomplir qu’un acte de légitime défense contre le mauvais principe en diminuant le nombre des êtres dans lesquels il se trouve fatalement incarné. Le rôle dissolvant que la femme joue dans cette société en enfance justifie jusqu’à un certain point, il faut bien le dire, ces mesures préventives. La femme libre avec ses magnifiques attributs, ce rêve de quelques cerveaux progressifs et fêlés de notre hémisphère, se trouve réalisée parmi ces fouriéristes de l’Asie méridionale. Pour la femme khond, le lien du mariage est sans obligations et sans devoirs. Les intrigues, les infidélités, n’appellent aucune pénalité sur sa tête : tandis qu’un homme marié parjure à sa foi devient un objet de mépris public, une femme khond peut abandonner son mari quand la fantaisie lui en prend, excepté dans le temps d’une grossesse, et elle a de plus le droit de choisir l’amant qui lui convient parmi les célibataires de la tribu, sans que l’élu puisse repousser des avances peu désirées sans doute, souvent peu désirables.